Boxe / L’ancien SDF de la Villette est devenu une star de MMA aux Etats-Unis
Francis Ngannou, migrant camerounais qui fut recueillli par une association parisienne, dispute ce week-end à Boston, le championnat du monde UFC des poids lourds en Arts martiaux mixtes (MMA).
Hiver 2014. Un immense gaillard d’un mètre quatre-vingt treize traîne sa misère dans les rues de Paris. Ce sans domicile fixe, qui dort dans les parkings publics, a alors 28 ans et un passé décomposé.
Francis Ngannou est arrivé du Cameroun un peu plus tôt après une enfance tourmentée. Elève doué, il voulait être architecte puis avocat après avoir découvert combien avait coûté le divorce de ses parents. Mais à l’adolescence, il travaille dans des conditions proche de l’esclavage dans une mine de sable à Batié où il est né. Il y abat à lui seul le travail de trois hommes. Il veut être boxeur. Fan absolu de Tyson, il enfile son premier gant à l’âge de 22 ans, à Douala. « On m’a dit que j’étais fou de commencer si tard », souffle-t-il d’une voix aussi douce que son physique est impressionnant.
«Il s’est longtemps chargé de la distribution des repas»
C’est la boxe et l’envie d’y faire carrière qui le poussent à traverser la Méditerranée. Il est un migrant parmi des milliers d’autres. Aujourd’hui encore, il ne veut pas s’étendre sur les conditions de son voyage. «Un jour sans doute en parlera-t-il, confie Khater Yenbou, le président de l’association humanitaire «La Chorba» qui l’a recueilli à Paris. On a trouvé Francis une nuit par hasard lors d’une maraude. Il était seul, sans ami ni aucun proche. Il était abandonné, sans argent. Mais jamais, je ne l’ai entendu se plaindre. Il est sincèrement une bonne personne, pleine de bonté. Très vite, nous lui avons proposé de devenir un de nos bénévoles. Il s’est longtemps chargé de la distribution des repas. »
Dans le XIIe arrondissement, « la Chorba » est voisine d’une salle de boxe, la MMA Factory. Pour une fois, le destin fait bien les choses. « Francis m’a demandé s’il pouvait y aller, raconte Khater Yenbou. Comme il n’avait aucun moyen de payer, j’ai demandé à Fernand Lopez, le responsable, s’il pouvait faire quelque chose pour lui. Quand il a vu le bestiau, il a fait comme moi la première fois: « Waouh ! » » Lopez et Ngannou deviennent inséparables. « C’est mon boulot de détecter rapidement les qualités de quelqu’un, analyse Fernand Lopez. Je n’ai pas de mérite car Francis n’est pas fait comme tout le monde. Il est phénoménal : aussi fort que puissant et rapide. Il est unique dans tout. Il a surtout une faculté d’adaptation exceptionnelle qui a dû lui sauver la vie plus d’une fois. »
Un des meilleurs combattants du monde
Rapidement orienté vers le MMA (Mix Martial Arts), Francis Ngannou devient vite un des meilleurs combattants du monde. Aucun de ses rivaux ne passe plus de trois minutes devant lui dans la cage aux fauves. Dans un des sports les plus violents de la planète, tous sont mis KO avant d’avoir pu dire « Ouf ! » Les statistiques officielles sont formelles : jamais un punch aussi puissant n’a été mesuré sur les rings de l’UFC (Ultimate Fighting Championship).
Dans la nuit de samedi à dimanche, l’ancien SDF de la Porte de la Villette, installé à Las Vegas depuis l’été dernier, disputera à Boston (est des Etats-Unis) la finale du championnat du monde UFC des lourds face à l’Américain Stipe Miocic. Pour les bookmakers US, le Franco-Camerounais est largement favori : « Dans notre sport, dans la catégorie reine et la plus grande fédération, c’est comme la médaille d’or olympique du 100m, la finale de la Coupe du monde de foot : le Top du top ! On ne s’en rend pas compte en France mais ici aux Etats-Unis, Francis est une star invitée sur toutes les télés. Là, on sort de chez CNN. En France, on ne sera jamais invités au 20 heures de TF1. Mais ce n’est pas grave : on vit bien sans cette reconnaissance», confie Fernand Lopez.
A la veille du sommet planétaire d’un sport encore interdit en France car jugé trop violent et qui lui rapportera plus de 500 000 dollars, Francis Ngannou est imperméable à tout ça. « Ca peut paraître bizarre, confie-t-il, mais je ne suis pas stressé du tout. Je l’étais plus à mon combat précédent en décembre. Même si l’enjeu est considérable, je n’ai pas peur. Je n’ai plus peur de rien en fait. A chaque nouvelle épreuve, j’ai l’impression d’avoir déjà connu bien pire. Donc...»
leparisien