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Le Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida) a connu des perturbations dans son fonctionnement. Pour éviter que pareilles situations ne se reproduisent, dès sa nomination à la tête du département de la Culture et de la Francophonie, Maurice Kouakou Bandaman a pris un décret portant restructuration de la maison des artistes. Le doyen  du théâtre ivoirien, Leonard Groguhet, a été nommé à la tête du  comité de restructuration. Et à la suite d’une élection, Yao Séry Sylvain a été porté à la présidence du Conseil d’Administration. Aussitôt élu, il a pris l’engagement devant plus de 6000 sociétaires du Burida de faire l’Audit de la gestion de la maison. C’est à cet effet que le Conseil qu’il préside a coopté Global Audit, structure d’expertise comptable, qui a audité la gestion du Burida de février 2012 au 31 octobre 2015. Jeudi dernier, lors de l’Assemblée générale ordinaire de la maison orange, les délégués présents ont posé le préalable relatif aux résultats de l’audit par Diallo Ticouahi Vincent et Diabo Steck,  avant de donner leur quitus. A en croire ces deux, les sociétaires doivent connaître  impérativement le point de l’Audit avant toutes choses. Ce qui a crée un blocage  des travaux pendant 2 heures. Finalement, Séry Sylvain a fait droit aux délégués. Et les auditeurs ont été autorisés à l’Assemblée générale ordinaire.

Les révélations de l’audit qui font  froid dans le dos

Selon les auditeurs, durant quelques jours, ils n’ont contrôlé que les dépenses  effectuées pendant la période sus-citée en vue d’établir un état des lieux. Et au terme de leurs travaux, le constat d’une absence totale de manuel de  procédure financière au niveau de la gestion des comptes bancaires a été fait. Ainsi que l’absence de traces d’appels d’offres relativement aux travaux exécutés. Ce  qui signifie que les marchés ont été passés au gré à gré. Poursuivant, les experts comptables ont relevé qu’il n’y avait pas de matrice  d’autorité (des décisions unijambistes prises par une seule personne). Un flottement de 5 milliards comme perte accumulée a été découvert entre 2012 et 2015. Le Conseil d’Administration a décidé de l’apurement de la perte,  et aujourd’hui, il ne reste que moins d’un milliard de F cfa. Cela donne un tableau sombre de la situation financière de la maison. Toujours selon les auditeurs, il y a un écart entre les salaires des employés déclarés à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) et ceux perçus régulièrement par les agents du Burida.

Des transactions régulières en espèce perçues par le ministère de la Culture et de la Francophonie

Les auditeurs ont signifié à l’assemblée que durant leurs travaux, ils ont constaté qu’à plusieurs reprises, des montants faramineux en espèce ont été remis, soit au comptable du ministère de la Culture et de la Francophonie, soit au nom d’un émissaire de la tutelle. Dès cette annonce par les auditeurs, les artistes présents sont rentrés dans une colère qui ne dit pas son nom. D’autres ont même décidé de rentrer chez eux parce que selon eux, la vérité sur la gestion de leur argent venait afin d’éclater.

Les recommandations pour assainir la comptabilité du Burida

Après avoir présenté le point relatif à la gestion financière du Burida, les auditeurs ont fait des recommandations afin d’assainir la comptabilité de la maison  des artistes. A les en croire, le Burida doit élaborer un manuel de procédure respectant les règles minimales de gestion savoir: Mettre en place une matrice d’autorité ; Définir à partir de quel montant on doit solliciter l’avis du Conseil d’Administration, ou la direction générale va décider seul ; Archiver les pièces comptables en évitant qu’il ait des erreurs à tout moment, et surtout analyser les transactions avant l’émission.

Les réactions à chaud du Pca et du directeur général

Après la présentation des travaux de Global Audit, nous avons contacté le directeur du Burida et le président du Conseil d’Administration pour en savoir davantage sur ce dossier qui fait couler tant d’encre et de salive dans le milieu des artistes présentement.

Sery Sylvain, Pca du Burida : « C’est le pourcentage relatif au Fasc que nous versons en espèce au ministère »

« Logiquement, quand vous faites l’audit, vous faites un constat et puis vous avez l’obligation de poser les faiblesses et donner des réponses, des instructions. Mais Global Audit n’a pas donné de réponses, d’instructions. La loi qui régit le Burida  dit que le Fonds social d’action culturelle  ( Fasc) doit verser un pourcentage pour le patrimoine culturel. Depuis le décret de 2008, ils ont décidé que le Fasc soit reversé au ministère pour rejoindre la parafiscalité gérée par le ministère de la Culture, au bénéfice des artistes. Ce fonds est là-bas mais aujourd’hui, il y a des voix qui s’élèvent, qui ne sont pas d’accord. On ne peut pas changer ça car c’est un décret. Même si je ne suis pas d’accord, je suis obligé de respecter la loi. Il faut qu’on abroge cette loi car pendant que nous y sommes, lorsqu’on fait les répartitions, on est obligé de verser cet argent au ministère de la culture. Le ministère de la culture  fait un memo en nous demandant de faire le chèque au nom du directeur des affaires financières (Daf), parce qu’il y a des urgences donc la direction générale est obligée de s’exécuter. Quand les auditeurs ont relevé cela, on leur a montré la loi. Mais, ils disent qu’ils ont constaté une absence de manuel de procédure, donc logiquement on ne doit pas donner de l’argent en espèce au Daf. Pour eux, on devrait faire les chèques au nom du ministère et non au nom de son Daf ou d’un envoyé du ministère ».

Irène Vieira, DG du Burida : « Le Burida n’a jamais été la caisse noire du ministère »

« Les artistes eux-mêmes n’ont pas de compte bancaire, et c’est maintenant que nous sommes en train de les obliger à avoir chacun un compte. Pour le ministère, vous savez qu’un ministère a des urgences. Le ministère fait un memo pour nous signaler que vous devriez me payer mais faites-le au nom du Daf. Il nous appartient d’avoir le décret de nomination du Daf au ministère pour nous exécuter. Le fait d’émettre des chèques ou de donner de l’argent en espèce au Daf ou à un envoyé du ministère n’est pas synonyme d’un détournement. Le Burida n’est pas la caisse noire du ministère. Quand on parle de caisse noire, ça me faire rire. Caisse noire, c’est quoi. Le Burida même est une structure de l’Etat car c’est l’Etat qui prend tous les décrets. L’Etat est respectueux des textes. Il y a un pays voisin où l’Etat prend 10 % des perceptions. Cette affaire de caisse noire, caisse bleue, caisse rouge … n’est que des rumeurs. On ne peut pas transférer des sommes qui ne sont pas justifiées.  Ce n’est pas la double signature qui garantit la bonne gouvernance. Les exemples sont légion. Ici, la double signature sert aux artistes à faire du chantage. Le rôle d’un Conseil d’Administration est de contrôler ce qui se passe et non la double signature. Le seul problème est de mettre en place un bon contrôle de gestion. Les artistes mêmes sont les premiers violateurs des procédures. Quand ils viennent, ils veulent qu’on les paie directement à la caisse. J’ai hâte qu’on finalise notre manuel de procédure. A partir de cela, je vais  leur  proposer cela ». 

R. Konan