Côte d’Ivoire / Phénomène des ‘’microbes’’ à Abobo : Claude Yapo Assi, président de l’Ong ‘’Etoile d’Ivoire’’, dénonce les parents complices
Claude Yapo Assi est le président de L’ong ‘’Etoile d’Ivoire’’. Il se propose de combattre la pauvreté sur toutes ses formes à Abobo. Dans cette interview qu’il nous a accordée, il énumère les maux qui rongent sa cité et indexe les parents sur leur irresponsabilité vis-à-vis de s enfants ‘’microbes’’.
Pourquoi avez-vous créé ‘’Etoile ivoire’’?
Nous sommes partis d’un constat très amer. Etant moi même fils d’Abobo, j’ai remarqué qu’on n’a tellement de difficultés au quotidien. Par exemple, les parents n’arrivent pas à scolariser leurs enfants, j’ai été moi-même éducateur au collège ‘’Espoir’’ d’Akéikoi que les gens le savent. Là-bas, j’ai vu combien de fois on mettait les enfants dehors pour scolarité non payée, pour seulement que 30.000 Fcfa. Alors cela m’a poussé à créer une Ong et je suis en train de chercher des partenaires pour m’accompagner afin que je puisse payer la scolarité de certains démunis...
Quels sont donc vos objectifs?
Nous avons pour objectif de trouver des activer lucratives pour les jeunes, et lutter contre l’oisiveté. Nous recherchons également des bailleurs de fonds pour améliorer les conditions de vie de nos mamans veuves. Au niveau culturel, moi-même je suis manager d’artistes et je prévois chercher des producteurs pour certains artistes en herbes…
Pourquoi avoir choisi comme nom ‘’Etoile d’Ivoire’’?
Etoile d’Ivoire parce que d’abord l’étoile est brillante dans le ciel et tout ce qui brille dans le ciel est toujours synonyme de bonheur. J’ai choisi donc ‘’Etoile d’Ivoire’’ pour que notre Ong puisse atteindre les objectifs du bonheur qu’elle s’est assignée. Et nos activités impactent sur la vie des populations d’Akéikoi. Nous leur apportons du bonheur. Pendant nos activités, les gens sortent nombreux pour nous accompagner dans nos œuvres. On a engagé des activités sur la salubrité parce que ce sont les enfants qui le font ici. Ce qui n’est pas normal. Des enfants dont l’âge varie entre 6 et 7 ans se promènent de cours en cours pour collecter les ordures et aller les déverser dans les décharges par manque de moyen. Ce n’est pas bon du tout. Par ailleurs, on s’est engagé dans la salubrité pour ne plus que ces enfants continuent cette activité de collecte des ordures ménagères qui les détruit. Nous avons donc mis sur pied une équipe qui fait la pré-collecte.
Depuis votre existence, quelles ont été vos actions concrètes sur le terrain?
Au niveau environnemental, nous avons déjà fait une activité sur la lutte contre le travail des enfants en 2015, 2ème action concrète, aujourd’hui nous avons 36 élèves qui sont pris en charge par des particuliers à hauteur de 60.000Fcfa par élèvs. Après cela, nous avons entamé dans des quartiers, une sensibilisation sur le Vih/Sida. Dans le domaine de l’agriculture, nous produisons de l’engrais pour les producteurs…
D’où tirez-vous vos ressources?
D’abord c’est du bénévolat, mais nous partons vers des personnes volontaires qui ont les moyens et nous leur expliquons notre vision. Lorsqu’elles sont convaincues, elles nous donnent les ressources.
Quels sont les critères de sélect pour l’octroie de la prise en charge 100% des 36 élèves sur des milliers de démunis?
A Akéikoi où je mène d’abord mes activités, nous avons fait un sondage au niveau des familles démunies. Et après, nous avons vu des élèves qui ont été mis à la porte pour n’avoir pas pu payer soit 15 soit 30.000 Fcfa pour leur scolarité. On a donc essayé tant bien que mal de faire une sélection de ces élèves. Tenez-vous bien ! Il y a des élèves démunis qui sont apprentis des minicars de transport communément appelés ‘’gbakas’’. Cela, afin de pouvoir payer leurs cours à l’école. Ceux-là, nous les avons recensés. Certains font ce qu’on appelle ‘’tantie brouette’’, c’est-à-dire qu’ils se promènent avec des brouettes et offrent leur service aux femmes possédant des bagages en contrepartie d’une modique somme ou des piécettes. Ils le font afin de pouvoir payer leurs scolarités. Ce sont ceux-là que nous essayons de sélectionner, recensons et qui bénéficient de ce projet école pour tous.
Combien de temps dure cette aide?
C’est pendant 9 mois que dure l’aide. C’est-à-dire depuis la rentrée des classes jusqu’à la fin de l’année. Après, nous vérifions s’il y a encore des parents qui n’arrivent pas ou ne sont pas capables de les scolariser, on reconduit le contrat. Ce sont des personnes de bonne volonté qui sont prêtes pour ces élèves-là.
Et les autres années, qu’avez-vous faites pour ces élèves?
Les années passées nous n’avons pas trouvé de financement alors nous n’avons pas pu bien fonctionner. On a donc pris le temps de baliser le terrain et faire le sondage de ces élèves les plus nécessiteux…
Ne pensez-vous pas que c’est un fléau et qu’il faut détruire le mal depuis les racines? C’est-à-dire en allant jusqu’à sensibiliser les parents de ces enfants sur les méfais de leurs activités?
Effectivement nous avons mené une enquête sur le terrain et on a constaté que les uns et les autres ont évoqué le problème de la pauvreté. Ils nous ont dit ceci : ‘’oui, je n’ai pas assez de moyens pour mettre un enfant à l’école donc ce qu’il peut faire pour m’aider c’est ce que je lui demande de faire’’.
Ce sont les enfants qui s’occupent de leurs parents qui ont encore leurs bras valides?
Et oui, ici à Abobo malheureusement ce sont les enfants qui aident leurs parents à vivre. Je le dis haut et fort! Regardez par exemple le phénomène des microbes! Ce sont des enfants gangsters qui sont devenus parents de leurs propres géniteurs. C’est tout à fait le contraire des choses. C’est l’enfant qui aide le parent…
On n’a l’impression que vous en savez plus à propos des enfants ‘’microbes’’?
Mais bien sûr. On a fait une étude sur ces enfants ‘’microbes’’ et on a constaté que des parents irresponsables sont d’accord avec cette activité nocive de leurs progénitures. Quand ils reviennent avec le butin, ces parents sont très heureux et crient victoire en ces termes, « ah ça marché pour Mamadou aujourd’hui parce qu’il a envoyé assez de téléphones et d’argents ». Et çà, j’ai été témoin de cela! C’est vraiment déplorable, sincèrement! Ça me fait chaud au cœur je vous dis. En fait qu’est-ce qui a favorisé ça? C’est la pauvreté. Sinon un parent normal ne peut pas demander à son enfant d’aller dans la rue, agresser et ramener de l’argent. C’est la pauvreté et l’analphabétisme qui causent tout ça. Ils demandent même à leurs enfants de leur apporter le butin à n’import quel prix. Même s’ils doivent agresser, blesser et tuer, ce n’est pas leur problème.
Mais étant imprégné de tout ça, est-ce que votre organisation a fait quelque chose pour lutter contre ça?
Nous avons pris contact avec ‘’maman microbe’’, une dame qui s’occupe de ces enfants gangsters. Et c’est par elle que les Ong internationales passent pour rentrer en contact avec ces ‘’microbes’’ pour les former. Elle a dit que pour le moment elle n’a pas de financement pour aller plus loin. Ce qui nous étonne souvent, elle connait tous les microbes. Elle les côtoie, les recense et essaie d’apporter des solutions à leurs problèmes. C’est pourquoi elle s’est fait appeler ‘’maman microbe’’. Vraiment ce problème d’Abobo est très crucial. Par ailleurs, je voudrais saluer l’élection de monsieur Moussa Dosso en tant que coordinateur du Conseil national de la jeunesse d’Abobo (Cnj). C’est un monsieur battant qui va apporter des solutions à quelques maux d’Abobo. Il a commencé à constituer son équipe et nous a approchés pour demander quelles peuvent être les solutions que nous, en tant qu’Ong, pouvons-nous apporter aux soucis d’Abobo. Parce que nos autorités n’ont que des mots et non de l’action concrète. Il y a des jeunes comme moi qui voudraient travailler pour la commune, mais n’ont pas les moyens. Vous n’allez jamais voir un service de la mairie chargé des questions des associations et Ongs, venir s’entretenir avec une Ong pour faire des projets. Ils s’asseyent sur les projets, établissent des Ong fictives avec qui ils travaillent et on n’a même pas de résultat probant pour Abobo. C’est Moussa Dosso qui pourra faire d’Abobo un eldorado comme le pense le président Alassane Ouattara. Il est prêt pour travailler avec toute la jeunesse de la commune. Nous pensons que ce jeune pourra travailler avec toutes les structures et associations d’Abobo et donner la vraie et bonne solution.
En termes de projet, est-ce que vous avez rencontré ces autorités d’Abobo ou même du pays pour lutter en parfaite symbiose, contre tous ces maux que vous venez d’énumérer?
Effectivement nous avons des projets, et quand on envoie des projets à Abobo, la mairie le bloque. Je le dis haut et fort. J’ai été témoin en 2014, d’un projet que nous avons développé pour aider les enfants démunis, pour ne plus qu’ils fassent leurs sales besognes. Et ce projet a été financé à hauteur de 200 millions Fcfa par l’Usaid. On a vu les fruits ici! Les services de la mairie, tous les besoins que nous avons exprimés ont été refoulés. Ils ont fait autre chose, même le jour où nous avons voulu mener une acticité d’envergure ici, à cause seulement de la nourriture qui a été budgétisée, il y a eu des blessés. Les enfants ont blessé des gens parce que la nourriture ne suffisait pas. Pourquoi? Avec plus de 200 millions Fcfa, nous n’avons rien dépensé. A peine un million Fcfa a été dépensé. Où sont passés les 199 millions Fcfa? Tout ce que nous avons prévu pour ces enfants a été gardé par dévers la mairie…
Mais avez-vous approchez les personnes ressources de la mairie pour en savoir plus avant de les incriminer?
Je dis Abobo reste Abobo…
C’est-à-dire?
On n’apporte jamais de réponse aux demandes. Quand vous partez vers une autorité, elle vous ramène vers une autre autorité et pour finir, on vous fait tourner en bourrique. En tant qu’Ong, moi je demande que les autorités d’Abobo se ressaisissent. Il ne faudrait pas qu’à chaque fois on impute la faute aux Abobolais. Il faut que nos autorités prennent leurs responsabilités. Que ça soit la mairie, toutes les institutions de l’Etat, qu’elles prennent leurs responsabilités pour qu’Abobo soit une belle cité. Mes proches m’ont plusieurs fois demandé de quitter Abobo, car elle ne reflète pas une image reluisante et est le nid du banditisme. Ils disent ce que je fais ne me ressemble pas. Quand tu vis dans un pays, c’est à toi de lutter et apporter ta contribution à ton pays pour qu’il soit illustré! Et donc si je dois quitter Abobo, qui va faire ce travail à ma place? Je demande donc aux autorités d’Abobo de mettre de l’eau dans leur vin et initier des séminaires de formation afin d’envoyer des jeunes ou Ongs sur le terrain. Cela pour pouvoir mener à bien leur lutte. Moi, je sais qu’à Abobo, il y a des Ong fictives, non reconnues par l’Etat qui n’ont aucun papier. Et quand il s’agit de financement, ce sont ces Ongs qui en bénéficient.
Interview réalisée par A.C.