Cinéma / Avec "Atlantique", on regarde les migrants dans les yeux de ceux qui restent
Le film de la réalisatrice Mati Diop avait remporté le Grand prix au dernier Festival de Cannes.
Première femme noire de toute l’histoire du Festival de Cannes à concourir en compétition, la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop présente ce mercredi 2 octobre son long-métrage “Atlantique” au cinéma - dont Netflix a aussi acquis les droits à l’international. Un drame fantastique dans lequel des migrants disparus en mer viennent hanter ceux et celles qu’ils ont quittés.
Des migrants, on s’est malheureusement habitué aux images des embarcations de fortune parfois sauvées in extremis en pleine mer et aux témoignages bouleversants de ces exilés à leur arrivée sur le sol espagnol, italien ou français. Mais que se passe-t-il pour ceux qu’ils ont laissés, ceux qui sont restés au point de départ de leur périple souvent mortel?
Voilà ce que donne à voir le film “Atlantique” de Mati Diop. Prolongement d’un court-métrage du même nom (mais au pluriel) qui suivait la traversée d’un jeune Sénégalais, la caméra de la réalisatrice reste désormais aux côtés de ceux, ou plutôt de celles, qui doivent continuer de vivre après le départ de leurs êtres chers.
Un “océan tombeau”
Dans la banlieue de Dakar, Souleiman et d’autres ouvriers d’un chantier qui n’ont plus été payés depuis quatre mois embarquent de nuit à bord d’une pirogue vers l’Espagne dans l’espoir d’une vie meilleure. Mais après leur départ, une étrange fièvre contamine les femmes de leur entourage restés au Sénégal et un incendie inexpliqué perturbe le mariage arrangé (et forcé) d’Ada, l’amoureuse de Souleiman.
Mati Diop raconte s’être “pris en pleine face les réalités complexes et sensibles du phénomène qu’on appelait à l’époque l’émigration clandestine” alors qu’elle était au Sénégal à la fin des années 2000. C’est là qu’est née son idée de raconter la disparition de cette jeunesse dans cet “océan tombeau”, mais du point de vue rarement abordé de celles qui restent.
″Épouvantée” par la manière dont les médias relayent l’immigration et transforment les individus en statistiques, la cinéaste de 36 ans entend aujourd’hui “redonner la parole aux acteurs des faits” dont “la réalité est trop souvent abîmée et trahie”.
Avec huffington