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De passage à Abidjan, la réalisatrice Burkinabé Apolline Traoré s’est confiée à Pressivoire.com relativement à ses projets de films. Au menu des échanges, la prochaine sortie de son film «Frontières» et la coopération culturelle entre le Burkina et la Côte d’Ivoire.



Êtes-vous à Abidjan depuis maintenant deux semaines. Qu’est-ce qui vous a conduit sur les bords de la lagune Ebrié ?

 

Je suis à Abidjan dans le cadre de la sorte officielle  de «Frontières» en Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire est aussi un partenaire du film que nous avons présenté au Fespaco en février dernier. Nous avons fait la Première avec le chef de l’État du Burkina Faso et son épouse et les autorités Burkinabès à Ouagadougou. Il est normal que la prochaine sortie de «Frontières» soit en Côte d’Ivoire. Je suis donc là pour rencontrer les autorités ivoiriennes afin de leurs annoncer la sortie du film à Abidjan.

 

Le film est très attendu par les Ivoiriens. Cela parce que la comédienne Naky Sy Savané est une des héroïnes de «Frontières». Comment vous êtes parvenue à rassembler les actrices  de tous ces pays ?

 

 

Il était très important pour moi de parler d’intégration. On parle de la Cedeao et d’intégration pendant des années. Mais les réalités sont toutes autres  aux frontières. Je connais le travail de l’ivoirienne Naky Sy Savané. Elle était l’une de mes premiers choix par rapport à ce film. Avant même de commencer à écrire le scenario, elle était l’une des femmes qui  serait dans le film. Il en est de même pour l’actrice Amélie M’Baye. C’est quelqu’un avec qui j’ai travaillé il y a 20 ans  dans la série «Monia et Rama». Elle aussi, je connaissais un peu son talent. Après pour les deux autres actrices, la burkinabè Adizétou Sidi et  la nigériane Unwana Udobank, ce sont des femmes que je suis allé chercher. Il était important que je choisisse différents pays  en Afrique de l’Ouest. Il était tout aussi important que je traverse plusieurs pays de la sous-région pour non seulement montrer nos différences, nos similarités et de montrer cette intégration Africaine. Il était surtout capital pour moi de montrer la solidarité des femmes sur ces routes.  Ces routes sont très dangereuses. Aujourd’hui, on dit que ce sont ces femmes là qui nourrissent les pays. Ce sont elles qui se lèvent et voyagent de pays en pays pour acheter de la marchandise. Elles reviennent ensuite dans leur pays  pour vendre ces articles. Il fallait vraiment que je mette  en exerce leur travail quotidien. C’est aussi un hommage aux femmes pour leur courage, leur bravoure et aussi pour leur sacrifice pour leurs familles. Ces actrices représentaient vraiment les femmes Africaines de différents genres du côté traditionnel, comme Naky Sy Savané, et modernisme, comme la jeune actrice Adizétou Sidi. (…) Le film a coûté très chère. Au début, on n’avait pas assez d’argent pour le faire. La logistique de ce film a été énormément difficile. C’est 50 personnes  qui faillaient déplacer, nourrir, loger, soigner et payer de pays en payer. Il fallait s’adapter à la façon de travailler, à la culture et aux conditions de ces pays. 

 

Le film met l’accent sur ces femmes de la Cedeao qui traversent les frontières  afin de s’adonner au commerce. Finalement au prix de leur vie à cause des problèmes d’insécurité ?

 

Exactement. Le film veut montrer que même si on ne les voit et ne les entend pas, ce sont ces femmes qui ont la marmite. C’était très important. J’ai beaucoup discuté avec ces femmes avant de commencer le film.  Et quand ces femmes vous disent que même ce commerce, à la fin, ne leur donne pas grande chose. Mais que ce qui était très important pour elles était leur liberté.  La société Africaine  nous a mise en tant que femmes au foyer. On reste à la maison. Aujourd’hui, nous avons ces femmes là qui cherchent leur liberté. Elles quittent  leur époux et leurs enfants pour braver le danger. Elles voyagent pendant plusieurs jours, c’est quelque part une liberté qu’elles recherchent. Elles sont libres. Je ne veux pas dire qu’elles sont enfermées chez elles. Mais, il y a une certaine liberté qu’elles recherchent en faisant ce commerce. Le film montre le combat de ces femmes. C’est une décision qu’elles prennent en se lançant sur les routes. Et lorsqu’elles sont sur la route, c’est de nouvelles décisions qu’elles doivent prendre pour affronter tous les dangers.

 

‘‘Il y a des problèmes à toutes les frontières’’

Ces dangers sur les routes se nomment ‘‘coupeurs de route’’, les tracasseries douanières, le terrorisme etc. Finalement, ce sont des entraves réelles à la libre circulation des biens et des personnes?

Les textes de la Cedeao parlent de la libre circulation. Des textes qui disent que moi burkinabè, je peux aller en Côte d’Ivoire  avec ma carte d’identité et passer avec mon matériel de tournage sans tracasserie. Mais à la réalité ce n’est pas le cas. Il y a des problèmes à toutes les frontières. Après on se demande à quoi servent ces textes. Car malgré ces textes, rien n’est appliqué à la frontière. Et les populations en souffrent énormément. Je n’ai pas la prétention de dire que mon film est là pour changer les choses. Un seul film est trop petit pour changer  tout un système en place depuis des décennies. Mais, mon but  avec ce film est d’abord de montrer les droits des populations et aussi que le système en place ne fonctionne pas. Nous avons tourné, par exemple, au moment où nos pays faisaient face au terrorisme L’idée est de susciter des débats. Et depuis sa sortie, «Frontières» à susciter des débats. C’est vraiment le but que je recherchais en réalisant ce film.

Vous n’êtes pas passé loin de l’Etalon au dernier Fespaco. Le film a quand même raflé trois prix au passage et surtout ouvert le bal des projections du festival. Une grande première pour une femme-réalisatrice en Afrique ? J’étais extrêmement honoré lorsqu’on nous a demandé de faire l’ouverture du Fespaco 2017 pour un film de femmes fait par une femme. Il est vrai que nous n’avons pas eu l’Etalon. Mais, on ne fait pas un film pour avoir le trophée final. J’ai eu l’Etalon d’une autre manière. Cela parce que le film a rencontré un franc succès avec l’engouement des cinéphiles. J’ai bénéficié aussi du soutien du peuple par rapport à ce film. Au Fespaco 2017, j’ai tout gagné.  Car, il y a avait un véritable engouement autour de mon film lors du festival.

 

Vous espérez sans doute ce même engouement à Abidjan à la fin du mois de septembre lors de la grande première de «Frontières», suivi de la programmation du film dans les différentes salles du Majectic?

 

J’espère qu’il y aura ce même engouement à Abidjan. La Côte d’Ivoire est un partenaire très important par rapport à ce film. L’une des actrices principale est une ivoirienne. Nous avons d’énormes points communs entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. C’est un film international dans le sens de l’Afrique. «Frontières» touche tout le monde, notamment les commençantes. J’espère que le public va vraiment se mobiliser pour venir soutenir ce film. C’est un combat pour la valorisation de la femme. C’est d’ailleurs pourquoi, nous prévoyons une tournée dans les pays où le film a été tourné. Nous avons fait le Burkina. Fin septembre, nous allons faire l’étape de la Côte d’Ivoire. Nous avons aussi des dates pour le Niger, le Sénégal, le Mali, le Nigéria. Notre but est vraiment de faire le tour des pays de la Cedeao pour montrer le film. Nous nous donnons 6 à 12 mois pour parcourir les 15 pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. 

 

Le film sort à Abidjan sous le signe de la bonne coopération culturelle entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso… 

 

Effectivement. Nos deux pays travaillent au renforcement de la coopération dans tous les domaines, notamment dans le domaine des arts, de la culture et du cinéma. La coopération entre nos Etats est importante pour une intégration réussie. J’espère bénéficier du soutien des autorités ivoiriennes à commencer par la Première dame, Dominique Ouattara, grande défenseuse de la cause des femmes, du ministre de la Culture et de la Francophonie, Bandaman Maurice,  du ministre du Transport, de la ministre en charge de la question des Femmes et des partenaires privés.

 

Le prochain challenge pour Apolline Traoré?

 

C’est toujours un deuxième film. J’adore la Côte d’Ivoire. Mon souhait est de réaliser mon prochain film dans le pays. Nous sommes déjà en train de mener ces démarches. J’espère que le pays va m’accueillir pour réaliser ce film.

 

Interview réalisée par Fieny Tié