Conflit de chefferie à Grand-Bassam : Plusieurs prétendants se désistent au profit de la petite-fille du fondateur du village de Mafiblé 2
Le village de Mafiblé 2, situé dans la commune de Grand-Bassam, est en proie depuis des années à un problème de chefferie, après le décès du fondateur. Plusieurs prétendants ayant été enregistrés dans la course au pouvoir se sont désistés.
Depuis le décès du père-fondateur, la succession à la chefferie tradition de Mafiblé 2 (Grand-Bassam) a connu une alternance entre 3 grandes familles. De tout temps, la famille Gwa en est le chef de terre. Malheureusement, comme dans toute société des hors-la-loi (des allogènes) se sont présentés comme étant capables de récupérer la chaise royale, en violation fragrante des us et coutumes. Un foisonnement de prétendants a donc crispé le climat de fraternité qui existait dans ce village dont le père-fondateur a accueilli auprès de lui des familles venant d’horizons divers. « Depuis la reconnaissance du village par l’autorité administrative, le chef du village a toujours été désigné au sein des 3 grandes familles (Gwa, Akyé et N’zima) qui constituent le village, avec voix prépondérante de la famille Gwa, fondatrice dudit village. Ayant été désigné pour assurer l’intérim de la chefferie après le décès de l’ex-chef du village, feu Aboua Aké en 2015 et des conflits. L’autorité préfectorale a nommé de façon intérimaire le patriarche et chef de terre Aké Aboua. Le requérant, Aké Aboua, patriarche et chef de terre a dû se résoudre à assurer l’intérim de la chefferie », explique le ‘’procès-verbal d’une réunion de désignation du chef du village de Mafiblé 2’’, tenu et authentifié par acte d’huissier, le 19 décembre 2020. Et donc, pour se conformer à cette coutume, Aké Aboua, après consultation des 3 familles, a porté son choix sur l’une des trois personnes proposées. En l’occurrence, Aboua Djeke Yolande Reine. A cet effet, le chef a convoqué la notabilité pour une réunion à Moossou (Bassam). Les familles Gwa, Akyé et N’zima consultées au sujet de la succession, ont proposé 3 personnes. « Mon choix s’est porté sur la personne de madame Yolande Reine Aboua Djekè épouse Tapé, actuelle chargée du foncier, membre de la famille Gwa (Oyoua Aké) pour être le nouveau chef du village de Maflibé 2 », dixit le patriarche et chef de terre. Et d’ajouter : « Je suis Aké Aboua, chef du village de Mafiblé 2. Comme vous le savez, mon âge est très avancé et ma santé n’est pas au beau fixe. Je serai donc dans l’incapacité d’assurer plus longtemps la fonction de chef. J’estime que Yolande Reine Aboua Djekè pourra garantir durablement la paix au sein de la communauté villageoise de Mafiblé 2 ». Cette dernière a donc reçu la confiance des sages dudit village. C’est pour cette raison que le patriarche a demandé à l’assemblée, selon la note de l’huissier, de s’unir autour de son successeur pour le bon fonctionnement du village.
Un autre procès verbal du 19 décembre 2020 confirme l’autorité de Yolande Djekè
Le 19 décembre 2020, le procès-verbal authentifié par le même commissaire de justice démontre encore une fois que Yolande Reine Aboua Djekè demeure le chef du village. « Selon la coutume et le mode de désignation de la chefferie, le trône me revient de plein droit. Mais eu égard à mon âge avancé et la fragilité de ma santé qui ne me permettent pas d’assurer pleinement les fonctions qui sont les miennes, j’ai décidé, après consultation des 3 familles susnommées, de porter mon choix sur la chargée du comité foncier, madame Yolande Reine Aboua Djekè épouse Tapé, en qualité de chef du village de Mafiblé 2 pour garantir de façon durable la paix au sein de la communauté villageoise », confirme le patriarche. Poursuivant, il souligne que la communauté villageoise de Mafiblé 2 est composée en partie d’une première vague de familles d’allochtones. Ensuite, d’une seconde vague d’allogène (sous-région Cedeao (Ndlr : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest). Et enfin, une dernière vague avec la création du Centre national de recherche agricole (Cnra) en 1967 composée en partie, des campements délocalisés à Mafiblé qui était le plus gros campement en son temps. Malheureusement, certains immigrants téméraires ont décidé de tordre le coup au droit coutumier en s’investissant à fond, pour le trône. Heureusement, certains ont compris. Ces différents prétendants convaincus de la justesse du choix des 3 grandes familles se sont ralliés en s’appuyant sur les us et coutumes. Ils se sont désisté, au profit de dame Yolande Reine Aboua Djekè, coutumièrement choisie. Les autorités administratives, c’est-à-dire la préfecture d’Abidjan, s’est saisie du dossier pour remettre à qui de droit le trône, conformément aux us et coutumes. L’autorité préfectorale, très préoccupé par cette situation, a envoyé en pompe son secrétaire général pour s’imprégner de cette situation. Dans les jours à venir, selon le droit, Mafiblé 2 verra son chef officiellement installé.
La version préfectorale des faits
Selon le secrétaire général de la préfecture d’Abidjan, André Kassi Brou, la succession est devenue une problématique dans ce village. D’un côté Assémian qui avait été contesté, de l’autre côté Ali Maouli et Amidou Koné qui se battaient pour le contrôle de la chefferie. « En décembre 2018, il y a eu une première consultation qui nous a amené à comprendre un peu l’organisation sociopolitique de Mafiblé 2 et de prendre des décisions. Donc la décision qui a suivi cette consultation a été d’accorder l’intérim au vieux Aké Aboua, en tant que doyen patriarche du village pour pouvoir fédérer les énergies et créer le consensus autour de lui. On a pensé que cela pourrait régler la situation. Après 6 mois, on n’a pas vu de changement notable. La Covid-19 a retardé les choses, ce qui a fait qu’on n’a pas pu régler vite cette situation. Le préfet m’a donc ramené là-bas cette année, pour voir un peu l’environnement, s’il y a des éléments nouveaux dans le dossier », a expliqué l’autorité préfectorale. Et bien, cette fois-ci, il y a eu des éléments nouveaux. Il y a eu, d’après ses dires, une variation au niveau des prétendants à la chefferie. Messieurs Koné et Assémian ne sont plus prétendants. Mais, ils se sont rangés du côté d’un acteur nouveau. En l’occurrence, la fille du chef intérimaire qui se réclame en tant que propriétaire terrien, comme fondateur du campement. Ali Maouli est devenu le prétendant traditionnel. Le secrétaire général s’est donc rendu dans cet endroit pour d’autres consultations, en vue de prendre une décision finale. « Au cours de la consultation populaire, il a été question d’asseoir le mode de succession à la chefferie et comprendre le mode qui est pratiqué jusqu’aujourd’hui. C’est-à-dire, est-ce que c’est générationnelle, par famille, par quartier. Sur la notion de famille qui semblait être le mode de succession avérée, il y a d’autres familles considérées en dehors des familles souches, qui avaient droit de citer. Nous avons donc recensé ces familles pour écouter tout le monde. Même ceux qui se disent qu’ils appartiennent à de grandes familles, mais il ne faudrait pas confondre la famille et la notion de ménage ! Nous allons tirer les conséquences », a dit le secrétaire général de la préfecture d’Abidjan. Poursuivant, il a rappelé que le défunt chef était légalement reconnu. Et donc, bénéficiait de la légitimité de ses concitoyens et la légalité au regard de l’arrêté qu’il détenait. Le problème ne s’est jamais posé depuis que le chef décédé régnait. Le conflit a pris forme qu’après son décès. « Il y a des choses pas trop catholiques ici. Le préfet a demandé au commissaire de police de Port-Bouët du 24ème arrondissement qui, à son tour, a indiqué que pour une question de cohésion, il y ait deux chefs. Les gens tentent de manipuler la tradition. Ce qui n’est pas normal. On ne peut pas accepter ça. Avec ce qui se passe avec les autorités de la place, il y a un vide juridique. Le préfet a voulu prendre l’arrêté, mais des gens sont là en train de mettre la pression », a témoigné un villageois qui a requis l’anonymat.
L’avis du prétendant en lice, Ali Maouli
« Après madame Oula, le préfet Vincent Toh Bi Irié est venu dire qu’il allait donner l’intérim au doyen, Aké Aboua, pour qu’il puisse réunir les fils et filles du village. Cet arrêté dit qu’il ne s’agira pas de faire autre chose, mais un arrêté de 6 mois de gestion intérimaire et qui a pris fin en décembre 2020. A notre grande surprise, le doyen reste à Moossou pour nous dire qu’il choisit sa fille pour être chef sans même nous consulter », s’est exprimé l’opposant et prétendant au poste de chef, Ali Maouli.
Le témoignage de l’imam du village, Salif Touré
« Je suis venu ici en 1941, depuis le temps du colon que ce village existe. Je suis donc parmi les plus anciens habitants de ce village. Un jour, j’ai appris que le village a été vendu. Cette nouvelle m’a surpris à tel point que je me suis posé la question de savoir qu’est-ce qui se passe ? Et, un conflit s’en est suivi. Chaque jour que Dieu fait, nous voyons des cargos des forces de l’ordre circuler dans notre village. On nous dit que certaines personnes ont vendu les terrains de Mafiblé 2. Mon propre champ, mon terrain, a été vendu par des gens d’ici. Il n’y a pas d’entente dans le village. Il y a un camp qui a choisi de suivre le patriarche et un autre a décidé d’être dissident. Amsadi, Ali Cissé, Mouali Ali mon petit frère et moi Salif Touré avons travaillé avec l’ancien chef avant son décès. Nous sommes sur la terre des Abouré de Moossou », a témoigné l’imam Salif Touré, un des plus anciens du village. Et de poursuivre : « Je dirai que parmi les 4 prétendants à la chefferie, le patriarche a donné sa fille pour gérer les destinées du village et je crois que c’est ce qui est normal. Que les gens arrêtent le vacarme qui ne donnera rien. Je suis sérieusement fatigué de ces disputes à n’en point finir. Laissez l’héritière du patriarche gérer le village. Que l’Etat nous vienne en aide pour régler nos problèmes de chefferie et de terres ». Jean Assi, ex-président des jeunes dudit village, est également surpris. Pour lui, le débat est clos. C’est la petite fille du fondateur de Mafiblé 2 qui mérite le trône selon la tradition.
A. Coulibaly