cote-divoire-eglise-catholique-cardinal-kutwa-les-secrets-et-lecons-dun-depart.webp

Le début de semaine en Côte d'Ivoire a été marquée par le remplacement de Cardinal Jean Pierre Koutwa. Au titre des contributions recueillies, nous publions celle du père Basile Diané, journaliste écrivain et curé de la paroisse Saint Antoine de Padoue de Moossou Archevêché d'Abidjan.

Il y a des faits et des actions posées de façon discrète et publique par des autorités politiques ou religieuses qui marquent. A l'annonce de la nomination de Mgr Ignace Bessi comme nouvel Archevêque métropolitain d'Abidjan, une scène mémorable m'a marqué en tant que prêtre journaliste : la joie qu'a laissé éclater le cardinal Jean Pierre Kutwa.

On aurait pu penser que le cardinal pleurerait d'émotions de se voir partir à la retraite et être oublié de tous. On aurait pensé que des prêtres, des religieuses ou des laïcs seraient tombés en transe pour pleurer ou demander au cardinal de ne pas abdiquer, de s'accrocher au pouvoir et mourir au pouvoir sur le siège métropolitain de l'archidiocèse d'Abidjan. Que nenni ! Le cardinal était tout sourire radieux, taquinant les uns et les autres, chantant, faisant même chanter et bénissant les uns et les autres avec un large sourire. Il est important que les Ivoiriens sachent qu'ils ont eu en la personne du cardinal Kutwa, un grand homme qui a su jouer sa partition dans l'animation de la vie religieuse catholique en Côte d’Ivoire. Ce qui m'a marqué dans la vie de ce grand homme de Dieu, c'est le sens désintéressé du pouvoir. A un moment donné, de sources bien introduites, le cardinal voulait abdiquer même depuis le temps de sa Sainteté, le pape Jean Paul II qu'il est allé voir pour lui demander une retraite anticipée. Le cardinal commençait à ressentir des difficultés de locomotion liées à son grave accident de circulation sur la route de Yamoussoukro. Le Pape Jean Paul II lui a répondu avec une grande compassion et admiration que lui-même pape, on lui a tiré dessus et qu'il porte les séquelles de la balle qui s'est logée dans ses entrailles mais que cela ne l'empêche pas d'assurer la mission pétrinienne. Cette réponse a désarçonné le cardinal qui depuis lors a décidé de faire fi de son "handicap" pour servir le seigneur en toute liberté d'esprit et de corps. Il a néanmoins constamment manifesté au Pape actuel, sa volonté de partir à tout moment selon l'inspiration du Saint Esprit et les règles canoniques en vigueur. Il n'a jamais demandé à quiconque d'écrire des lettres de soutien, d'organiser des meetings de soutien à la gloire du cardinal qu'il est, pour demander au pape de le garder à vie tellement on l'aime en Côte d'Ivoire. Or selon le cardinal, la conception du pouvoir, du service à une nation ou à une Eglise doit être désintéressée et ne pas briser ou biaiser les règles constitutionnelles et canoniques. C'est pour cela, qu'il a vite fait de se ruer dans les brancards pour demander très vite en 2020, le respect de l'ordre constitutionnel. En pure perte.

Le cardinal Jean Pierre Kutwa nous donne un grand exemple de probité morale et spirituelle en acceptant de partir dignement sans marcher sur des corps des vivants et des morts pour se maintenir se vaille que vaille sur le siège cardinalice.

Au moment où se joue encore sous nos yeux la danse macabre de charognards prêts à tout pour accéder au pouvoir ou pour s’y maintenir, il est bien et bon que le geste du cardinal nous parle à tous. Il faut savoir quitter le pouvoir. Après l'exercice du pouvoir exécutif ou épiscopal, ce n'est pas la fin du monde, encore moins la mort ! Il faut pouvoir respecter les règles constitutionnelles d'un Etat ou de toute autre institution.

Le cardinal part la tête haute sans piétiner les règles de l'Eglise catholique qu'il a servie toute sa vie durant.

C'est tout à son honneur. Et je pense que l'occasion est belle pour demander à tous les Ivoiriens d'œuvrer en 2025 pour le respect de la constitution et d'arrêter ce folklore ignoble, abject et infect de soutien à des mandats illimités comme il nous est donné piteusement de voir, ces deux jours. Ce genre de cirque n'honore point les organisateurs de telles foires au ridicule encore moins ceux à qui on est censé rendre hommage ou dont on "suscite" la candidature.

Le geste du cardinal parle plus que tout. Il est à méditer.

Bon vent à notre cher Cardinal !