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Depuis le mardi 1er octobre 2024, le secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) et certains responsables de la puissante organisation en milieu scolaire et universitaire sont sous les verrous. Leur arrestation intervient dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du « général Sorcier », un étudiant opposé à Sié Kambou à la FESCI. C’est le début d’une vaste opération de décapitation de ce mouvement devenu le danger numéro un de la paix et des droits humains en Côte d’Ivoire avec plusieurs mesures conservatoires contre les associations estudiantines. 

La décapitation de la FESCI et justice aux victimes 

Le 1er octobre 2024, un communiqué diffusé sur la RTI1, annonce que le gouvernement ivoirien suspend toutes les activités syndicales estudiantines sur le territoire à titre conservatoire et le secrétaire général Sié Kambou est arrêté pour nécessité d'enquête. En effet, dans la nuit du 29 au 30 septembre 2024, l'étudiant d'Agui Mars Aubin Deagoué, surnommé « Général Sorcier », âgé de 49 ans et étudiant en Master 2 est retrouvé mort au Chu de Cocody. D'après le procureur de la République, le défunt, qui était en conflit avec le secrétaire général de la Fesci, Kambou Sié, aurait été convié à une rencontre par ce dernier. Une fois sur place, il est enlevé et envoyé vers une destination inconnu. Le lendemain, son corps est retrouvé sans vie au Chu de Cocody. Une enquête pour homicide volontaire est ouverte et six autres responsables de la Fesci, proches de Sié Kambou sont arrêtés. Le gouvernement qualifie le meurtre de l'étudiant comme « un acte de barbarie d’un autre âge » et dire vouloir faire la lumière sur cette affaire.

Mais le gouvernement ne s’arrête pas à ces arrestations. Plusieurs autres étudiants impliqués dans le meurtre du « général Sorcier » sont activement recherchés. Un avis de recherche a été lancé à cet effet par la police criminelle, le mercredi 2 octobre 2024.

« Dans le cadre de l'enquête relative au meurtre de l'étudiant par la FESCI au Campus de Cocody, les nommés Konin Ané Cyriac dit Yanko, Kouessi Toty Joël dit Non Coupable, Kamel Junior Danho alias Kada, Gbayéré Bessou Prince dit président, Assy Bénie dit Toumba, Ogou Franck Eric dit Katanga, Sawadogo Aroun dit Soundjata sont recherchés par la police criminelle ».

La volonté ferme affichée du démantèlement de la FESCI

Dans la foulée, un arrêté interministériel pris par le ministre de la Défense, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité et le ministre de l’Education nationale et de l’alphabetisation, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle « interdit sur l’ensemble du territoire national et à titre conservatoire, les activités des associations syndicales estudiantines et scolaires ».

La décision de libérer les chambres illégalement occupées par des étudiants qui n’y ont pas droit, a été prise. Depuis ce samedi 5 octobre, les autorités universitaires aidées des éléments de la police nationale a procédé à l’exécution de l'avertissement donné aux occupants illégaux des chambres universitaires. Ils sont désormais contraints de quitter les lieux sous le regard vigilant des forces de l'ordre et de sécurité. Toutefois, l’assurance a été donnée par les autorités universitaires qui ont promis de reloger les étudiants qui le méritent sur la base de nouveaux critères qu’elles communiqueront une fois l’opération terminée.

Mais ce n’est pas tout. Un bâtiment présenté comme le siège en construction de la FESCI, a subi le courroux des autorités du pays. Il a été littéralement détruit, ce samedi 5 octobre 2024 par les bulldozers. Même une unité de fabrication d'eau en sachet plastique découverte en plein campus, après l'arrêt des activités de la FESCI, n’a pas été épargnée. Les autorités étant décidées à effacer tout ce qui peut rester comme trace de cette organisation criminelle.

La FESCI a été créée dans les années 1990. Il s'agissait pour les étudiants, conduits par Martial Joseph Ahipeaud, le premier secrétaire général de leur organisation, de réclamer de meilleures conditions de vie et d’étude qui ne leur étaient pas reconnues sous le régime du parti unique, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Le syndicat est historiquement proche de ce qui était alors le principal parti d'opposition, le Front populaire ivoirien (FPI). Au début de son existence, la FESCI soutient la démocratisation du pays qui abandonne peu à peu le régime du parti unique. Mais pour lutter et se défendre contre le régime du PDCI, les Fescistes s'entraînent et se structurent de manière quasi-militaire. Cette culture militaire va rester ancrée dans le fonctionnement de la FESCI qui va vivre un tournant sombre avec l’introduction de la machete comme arme de lutte. Dès lors, violences physiques et morales, extorsion de fonds, enlèvements et tueries d’étudiants, viols d’étudiantes et autres perturbations des cours vont jalonner la marche de ce mouvement pourtant né avec beaucoup d’espoirs.

A.K.