Côte d’Ivoire : La stabilité politique interroge la crédibilité de la communauté internationale après la crise
En septembre 2002, la Côte d’Ivoire a connu une tentative de coup d'Etat qui s’est transformée en une rébellion armée, occupant la moitié nord du pays.
Cette rébellion avait pour principale revendication la lutte contre l'exclusion des Ivoiriens originaires du nord. Ses leaders dénonçaient les difficultés rencontrées par ces citoyens pour obtenir des documents administratifs, notamment la carte nationale d'identité, en raison de leurs noms souvent similaires à ceux de ressortissants de pays voisins tels que le Mali ou le Burkina Faso.
Depuis 1995, la question identitaire a cristallisé le débat politique en Côte d’Ivoire.
Une large partie de la population s’est sentie marginalisée par les différents régimes successifs. L’un des points les plus sensibles a été l’éligibilité d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle.
Cette question a été l’une des principales revendications de la rébellion, soulevée lors de nombreux sommets et rencontres de médiation.
Une solution politique fut trouvée à Pretoria où les principaux leaders politiques ivoiriens se sont accordés sur une issue pour préserver la paix. Dans ce contexte, l’ancien président Laurent Gbagbo a pris un décret d’exception (article 48), autorisant Alassane Ouattara à se présenter à l’élection présidentielle, au nom de la réconciliation nationale.
La crise politico-militaire de 2002 à 2010 a freiné le développement du pays, focalisé entièrement sur la recherche de la paix. La communauté internationale, préoccupée par la situation, a investi des milliards de francs CFA pour accompagner le retour à la stabilité. L’ONU, la France, l’Union africaine, l’Union européenne, l’OIF, la CEDEAO, entre autres, ont joué un rôle majeur dans ce processus.
La sortie de crise a été marquée par l’élection présidentielle d’octobre 2010, suivie de l’investiture d’Alassane Ouattara en mai 2011 à la Fondation Félix Houphouët-Boigny. Durant les 15 années de gouvernance du Président Alassane Ouattara, la communauté internationale a souvent cité la Côte d’Ivoire comme un exemple de réussite en matière de résolution pacifique de conflit.
L’ONU, notamment, a salué les efforts consentis pour restaurer la paix.
Cependant, aujourd’hui, la Côte d’Ivoire semble à nouveau à la croisée des chemins. L’exclusion des principaux leaders politiques de la présidentielle d’octobre prochain remet en question la crédibilité de la communauté internationale. Celle-ci est interpellée une fois de plus pour prévenir un scénario similaire à celui de 2002, car les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets.
Il est donc urgent que le pouvoir en place engage un dialogue politique inclusif, permettant à tous les acteurs de s’exprimer et de parvenir à un consensus.
Une élection apaisée, transparente et inclusive est indispensable pour garantir la stabilité du pays et préserver la cohésion sociale.
Les populations ivoiriennes aspirent à vivre dans la paix. Les acteurs politiques doivent en être les artisans. Les élections doivent se dérouler dans la quiétude, en permettant aux citoyens de choisir librement leurs dirigeants, sans pressions ni interférences. L’alternance démocratique est un mécanisme essentiel permettant aux peuples de sanctionner ou de récompenser leurs dirigeants. De nombreux pays africains expérimentent cette pratique depuis plusieurs décennies, renforçant la vitalité de leur démocratie et attirant ainsi la confiance des partenaires techniques et financiers.
Car, faut-il le rappeler, ce sont les pays stables, démocratiques et inclusifs qui bénéficient le plus de l’appui des institutions financières internationales.
Adou Evariste
Analyste politique