Côte d’Ivoire : Nouveau front populaire, l’appel de Gbagbo à Bonoua
Laurent Gbagbo a fait volte-face le dimanche 14 juillet 2024 à Bonoua (région du Sud-Comoé). Il tend la main à tous pour une coalition en vue de renverser Alassane Ouattara et son régime à l'élection présidentielle du 25 octobre 2025.
C'est un coup de tonnerre. Les exemples politiques, sénégalais et français, inspirants ont certainement fait bouger les lignes du radicalisme et du sauve-qui-peut.
Bien qu'éliminé de la course à la présidentielle du Sénégal, Ousmane Sonko, président du Pastef, n'a lancé aucun mot d'ordre de boycott. Il a trouvé, en Diomaye Faye, son secrétaire général, un candidat de substitution, qui a remporté, le 24 mars 2024, le scrutin.
De son côté, la gauche hexagonale est en train de prouver qu'unie, elle reste plus forte. À la présidentielle, elle est partie en ordre dispersé et n'a pu atteindre le second tour.
Aussi, a-t-elle formé, en mai 2022 après son échec, la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes, coalition de La France insoumise, le PS, Europe-Écologie les Verts et le PCF). Elle a gagné, avec 151 sièges sur 577, aux législatives du 19 juin, son pari d'être la principale force d'opposition au régime de Macron (250 députés) au Parlement.
Et bien que la Nupes ait explosé en plein vol sur des divergences stratégiques, les différents dirigeants ont rapidement tu leur ressentiment et ont, après la dissolution de l'Assemblée nationale le 8 juin 2024, porté sur les fonts baptismaux une nouvelle alliance : le Nouveau Front populaire (Nfp). Aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, cette alliance est arrivée en tête avec environ 190 députés devant le camp présidentiel (environ 160 sièges).
Même les aveugles voient la force de l'union. Et les sourds entendent. De la cacophonie politique de La majorité présidentielle (Lmp) au Congrès national pour la résistance et la démocratie (Cnrd), en passant par l'émiettement de la gauche avec l'éclatement du Fpi en menus morceaux (Fpi, Lider, Mgc, Ppa-CI), le désastre est réel et les échecs cuisants aux dernières élections locales (municipales et régionales) du 2 septembre 2023.
D'où l'appel inattendu et imprévu de Bonoua. Mais 24 heures plus tard, c'est un silence de cimetière, qui accueille cette offre. Ce n'est pas le silence du "qui ne dit mot consent" ; c'est un silence assourdissant dans un monde politique ivoirien miné désormais par la méfiance, les suspicions et animosités, les querelles d'amour propre et de personnes.
En effet, si Laurent Gbagbo a longtemps représenté, par son leadership, un facteur d'union, il est devenu, depuis la perte du pouvoir, un obstacle au point que lui-même, à la naissance de son parti, le Ppa-CI, a balisé le terrain ; déclarant que l'union de la gauche n'était pas sa tasse de thé.
Par conséquent, c'est la realpolitik qui a pris le pas dans le discours de l'ex-président de la République. Initiateur de cette démarche pour des retrouvailles politiques, c'est lui qui devra alors effectuer les premiers pas en direction des autres leaders à l'effet de les convaincre sur son projet et ses objectifs. Surtout que, à voix basse, certains soupçonnent un agenda secret ou caché en vue de les embarquer dans une lutte en sa faveur et à son profit.
Encore et toujours dans leur tour d'ivoire, souvent nombrilistes et fermés à tout compromis dynamique, des dirigeants politiques ignorent cette pensée cartésienne de Jean-Luc Melenchon, ex-patron de La France insoumise et mentor du parti : « En politique, l'amour n'existe pas entre hommes politiques. On s'unit pour faire face à l'adversaire du moment ».
Avant de divorcer avec fracas, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara en ont fait la démonstration, dans l'opposition à Laurent Gbagbo, au sein du Rhdp, à telle enseigne que l'ex-président du Pdci-Rda déclarait : « La politique est l'art de l'impossible ».
Une contribution de F. M. Bally