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L’actualité nationale est alimentée depuis quelques jours par l’affaire des souscripteurs de l’agrobusiness. D’une volonté politique de l’Etat de protéger les populations - qui de bonne foi, ont souscrit à des produits commerciaux à eux proposés par les sociétés d’agrobusiness- contre les risques d’une activité économique -qui pourrait à la longue tourner au vinaigre-, l’on en est aujourd’hui à un dialogue de sourd, voire une rupture de dialogue entre les souscripteurs et le comité de veille mis en place par le gouvernement, pour régler de façon consensuelle la crise ainsi née. En témoignent les décisions arrêtées par les souscripteurs samedi dernier à l’issue de la dispersion de leur meeting au Deux Plateaux.

En effet, dans un communiqué dont nous avons reçu copie, des associations d’agrobusiness dénoncent le fait que malgré l’invitation du gouvernement à la mise en place d’un comité de veille, en vue de l’élaboration d’un mode opératoire pour déterminer de façon consensuelle avec les souscripteurs, les critères, les conditions et les documents à produire pour le remboursement des souscripteurs, ce comité prenne des décisions au mépris de ces derniers. Selon ce communiqué, ce mercredi 15 Février 2017, le comité de veille convie les responsables des associations de souscripteurs à une séance de travail en vue de leur présenter une proposition de mode opératoire pour le remboursement des souscripteurs. Prenant acte de leur proposition, ces responsables des associations ont fait savoir au comité de veille qu’ils reviendront avec leurs observations sur ce document dans les plus brefs délais, étant donné que tout doit se faire de façon consensuelle comme le suggère un communiqué du Trésor public. « Mais contre toute attente, à peine sorti de la rencontre avec le comité de veille, nous apprenons avec grand étonnement que le conseil des ministres a adopté le mode opératoire, qui nous est soumis (…) Au regard de l’exécution du mode opératoire par le comité de veille sans qu’aucun consensus ne soit trouvé avec les souscripteurs, nous décidons ce qui suit : 1- Les associations de souscripteurs ne reconnaissent plus le comité de veille comme un interlocuteur crédible pour la poursuite des discussions en vue de résoudre cette crise, 2- Les associations de souscripteurs lancent un appel à tous les souscripteurs de la Côte d’Ivoire et ceux de l’étranger de ne pas aller se faire recenser dans aucun guichet du trésor jusqu’à nouvel ordre (…) 7-  Les associations de souscripteurs demandent un dialogue direct avec Son Excellence Monsieur le président de la République de Côte d’Ivoire», lit-on en substance dans le communiqué des associations de souscripteurs.

 Dialogue inclusif

Alors qu’il s’agit de plus de 35 000 souscripteurs de différentes couches sociales, qui ont mis leurs économies dans cette affaire. Il est donc important pour l’Etat de régler avec beaucoup de diplomatie et de tact cette situation, en privilégiant encore et encore le dialogue inclusif. « Nous sommes des investisseurs. Nous avons investi notre argent, nous attendons des intérêts en retour. Il se trouve que pendant que nos contrats avec les sociétés d’agrobusiness sont en cours, nous sommes confrontés à une situation. Nous disons qu’en pareille situation on s’assoit, on discute, et on dégage des solutions de façon consensuelle, pour éviter de causer plus de problèmes qu’il y en a, à des gens qui ont investi de bonne foi leur agent dans une activité qui se faisait aux yeux et au su de tous. Les entreprises d’agro-business ne fonctionnaient pas dans la clandestinité. Leurs activités étaient même les plus médiatisées. Sinon comment vous expliquez qu’en moins de deux ans on soit à 35 000 souscriptions. Où était l’Etat ? », s’’interroge M. Guy Naounou, entrepreneur et responsable d’une des associations de souscripteurs.  Lui emboîtant le pas, dame Amy Cissé, commerçante et  souscripteur, estime  que « lorsque l’Etat décide un peu comme un médecin après la mort de sauver une situation, il faut être en mesure de réunir tout le monde autour d’une table, faire un vrai diagnostic et trouver les solutions les plus appropriées. Plus de 35 000 souscripteurs sont convaincus que les sociétés d’agrobusiness vont tenir leurs engagements en payant les retours sur investissement comme elles l’ont déjà fait pour les premiers souscripteurs. Mais le gouvernement en se fondant sur des préjugés liés à l’expérience des placements d’argent, dit qu’il n’y croie pas et pour cela, il faut rembourser aux souscripteurs les capitaux investis. Et on impose le mode opératoire à 35 000 souscripteurs », déplore-t-elle. A en croire, Guy Naounou, le trésor veut payer que ceux qui ont investi pour la première fois. Ceux qui ont déjà reçu leur retour sur investissement et qui ont réinvesti leur argent, ne sont pas concernés par l’opération de remboursements. Et puis, l’Etat ne garantit pas que ces premiers souscripteurs auront la totalité de leurs capitaux investis, parce « les remboursements se feront dans la mesure des fonds trouvés sur les comptes, qui s’élèveraient à 24 milliards ». « Nous ne sommes pas d’accord avec cette procédure qui pour nous n’a aucun sens. Et on refuse que nous nous concertions pour trouver des solutions plus appropriées et les proposer. Tout se passe comme si nous n’avons pas le droit, nous les premiers concernés, de proposer quelque chose. Et on envoie les policiers nous gazer comme si nous étions des vandales. Alors que nous avons eu une autorisation administrative en bonne et due forme pour tenir ce meeting (NDLR : un rassemblement des souscripteurs a été dispersé le samedi 17 février par la police à Cocody). C’est comme ça qu’on règle un problème qui concerne 35 000 personnes ? », dénonce un autre souscripteur interrogé pendant les manifestations. « Après on est surpris que des gens prennent des armes pour revendiquer leurs primes », renchérit un autre manifestant, déçu des agissements de la police.    

 « Nous demandons pardon à l’Etat « 

 

Vu la tournure que prennent les choses quant à l’issue de cette situation, il importe en tout cas, de tirer la sonnette d’alarme, afin d’interpeler le gouvernement sur le risque que ces mécontentements, entretiennent les germes d’une autre fronde sociale, lourde de conséquences. Pendant que l’Etat traine encore comme un boulet au pied, les frondes sociales relatives aux mutineries des militaires et à la grève des fonctionnaires et agents de l’Etat. « Le petit cireur, la petite commerçante, le petit entrepreneur, le petit fonctionnaire et bien d’autres travailleurs ont envie d’agrandir leur commerce ou accroître leur revenu. Et cette activité de l’agrobusiness s’est présentée à eux comme une lueur d’espoir. Il faut donc que l’Etat fasse attention dans le règlement de cette affaire. Voyez vous-même la détermination des populations malgré les gaz lacrymogènes des policiers, samedi dernier au meeting. A part les manifestations de protestations initiées par les partis politiques, on peut dire que c’est la première fois, depuis que ce pouvoir est là, que des populations de toutes les couches sociales se mobilisent de la sorte. Nous avons, nous-mêmes responsables des associations de souscripteurs peur que nos revendications se transforment en une fronde sociale, quand on écoute les positions des gens. Vraiment nous demandons pardon à l’Etat. Nous sommes conscients qu’on veut nous aider. Mais qu’on ne nous propose pas des solutions qui vont devenir des problèmes pour nous et pour le pays.  Qu’on laisse les sociétés d’agro-business travailler en contrôlant leur gestion, si possible par des administrateurs ou des auditeurs, afin que nous ayons nos retours sur investissement », plaide un souscripteur qui a requis l’anonymat.  

                                                     Abou Adams