Côte d’Ivoire / Amoa Urbain, recteur de l’Université Charles Louis de Montesquieu : « On m’a retiré la paternité de la chambre des rois mais… »
Le professeur Amoa Urbain a fait le point des grandes conférences royales qu’il a initiées au sein de l’Université Charles Louis Montesquieu. Il est revenu sur la question de la paternité de la chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire qu’il réclame tant.
Pourquoi le Concept de la royauté vous préoccupe tant ?
Le concept de la royauté qui me préoccupe depuis plusieurs années tient à l’idée que l’Afrique va à la rencontre des autres civilisations. D’où viendrait qu’elle-même ne s’imprègne pas de ses propres valeurs. Or les enseignements que nous avons réalisés depuis l’ère des indépendances, montrent bien que d’une génération à une autre, on s’éloigne de plus en plus de nos valeurs. Si nous partons de ce principe, il paraîtrait hasardeux que ce soit organisé des structures pour permettre de recharger les batteries des générations nouvelles. C’était le sens profond de la route des reines et des rois.
Pourquoi avez-vous arrêtez la route des rois et des reines ?
La route que nous avons prise, est une route physique. Vous avez vu qu’on a fait le tour de la Côte d’Ivoire à la rencontre des différentes civilisations et organisations sociopolitiques traditionnelles. La route est également philosophique car c’est la pensée des pensées sur notre comportement. Et cette route n’est pas moins spirituelle. Ce sont les trois dimensions parce qu’aucune organisation sociopolitique, aucune cour royale, n’a pris le dessus sur le spirituel. Je dis bien le spirituel et non le religieux.
De quoi s’agit-il exactement ?
Si vous avez vu notre cheminement, nous avons pris en compte l’aspect sociopolitique qui est la mise en place de la chambre des rois et chefs traditionnels. Nous quittons l’univers académique pour l’univers politique. Et le politique a bien compris notre jeu et a été en complicité positive. Pour cela, on n’a pas manqué de féliciter le président Alassane Ouattara qui a permis que sous son régime, il y ait une loi portant la création de la chambre des rois et chefs traditionnels. Nous sommes passés à cette étape pour arriver à une étape d’appropriation d’une pensée intellectuelle. L’application est une autre chose. Sur l’application, vous avez vu mes mouvements, c’est-à-dire que je n’ai pas aimé la façon dont les choses étaient menées. Qu’est-ce qui n’est pas à parfaire ici bas ? Nous arrivons à la troisième étape qui est une conférence royale. Nous avons créé un cadre royal. La royauté dont il est question n’est pas la royauté traditionnelle primaire mais bien plutôt la royauté externe. C’est-à-dire ceux qui sont experts dans leurs domaines sont cooptés par l’Université Charles Louis de Montesquieu comme experts pour communiquer avec les étudiants et surtout leur transmettre leur savoir et leur savoir-faire. Cette étape, nous disons que l’idée de la chambre des rois et chefs traditionnels n’est pas une affaire ponctuelle. Car, c’est un concept et un cheminement. C’est la raison pour laquelle même si on venait de nous retirer la paternité de la réflexion sur la chambre des rois et chef traditionnels on ne nous retirerait pas la puissance intellectuelle qui soutient le projet. On a fait la route des reines et des rois, les gens ont pris ou ils n’ont pas pris. Ce n’est pas là, la question. Contrairement, c’est qu’est-ce que je peux apporter jusqu’à ce que la vérité finisse par prouver et les yeux et les oreilles et la tête des gens.
En quoi consistent les grandes conférences royales ?
Je suis à l’aise pour dire que les grandes conférences royales ont pour objet de mettre en relief les meilleurs des civilisations et faire en sorte que le panel que nous avons initié depuis quelques temps soit quelque chose de constructif. Ce sont des cours de culture générale qui sont offerts. Les étudiants adhèrent entièrement à ce projet. Nous avons sur une logique d’anticipation et cette logique, nous ne le faisons pas de façons hasardeuse. Car nous prenons le temps. La méthodologie que nous avons utilisée, c’est ce que j’appelle ‘’l’immersion optimiste’’. A l’Université quand vous avez un cours à donner, vous gardez l’esprit mais vous avez également l’approche méthodologique. Qui consiste à ce que nous nous noyions dans l’espace. Tout cela m’amène à mettre en place ‘’l’école doctorale la pensée des pensées’’. C’est une chose qu’il faut faire car aucune pensée n’est pensée sans avoir appris de la pensée des autres. Au total, chaque année, nous aurons 10 sessions. Les sessions de cette année prennent fin dans le mois de mai. L’année prochaine, nous programmons 10 autres sessions.
Entretien réalisé par R