Côte d’Ivoire / Aïcha Koné se dévoile, son deal avec Houphouët, Sékou Touré et Miriam Makéba
La diva de la musique ivoirienne, Aïcha Koné était très enthousiasmée par la célébration des 58èmes de la fête de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Avec un riche répertoire d’albums et de prix africains après 40 ans de métier, cette pionnière de la musique ivoirienne prône la paix partout dans le monde. Dans cet entretien, elle parle sans détour des temps forts de sa carrière.
Quel sentiment vous anime au terme de la célébration des 58 ans de la Côte d’Ivoire?
C’est un sentiment de double joie. J’ai suivi à la télévision comme tout le monde, la déclaration de la libération de Simone Gbagbo et des autres prisonniers. C’est une joie en suspens. Nous demandons au président de faire un effort pour que tout le monde soit libéré. Et que la Côte d’Ivoire puisse revivre comme par le passé. Je peux dire que ça été une très belle fête. Je souhaite que le Président Ouattara continue les bonnes actions amorcées. Si le travail se fait bien pour la Côte d’Ivoire, il faut savoir reconnaître le mérite des acteurs. Il a fait un premier pas, il peut faire le reste. Que les Ivoiriens acceptent de se pardonner pour qu’on puisse avancer.
Que vous rappelle la fête de l’indépendance des temps passés ?
Les choses ont changé. Les artistes venaient jouer au Palais présidentiel. Mais, je pense que ça va. On ne se plaint pas. J’ai eu la chance d’être tout le temps au Palais présidentiel lors de ces fêtes, que ce soit à Abidjan où à Yamoussoukro. C’est le président Félix Houphouët-Boigny lui-même qui le voulait. Beaucoup d’artistes y étaient aussi. J’ai encore les souvenirs des prestations de Lougah François, Amédée Pierre, Chantal Taïba, Nayanka Bel, Reine Pélagie. Il y avait beaucoup d’artistes que le Président aimait voir en spectacle. Il nous recevait avec beaucoup d’honneur à cette occasion. Aussi étions-nous invités à chaque grande cérémonie où étaient les chefs de l’Etat.
Laquelle des fêtes de l’indépendance a été la plus belle dans votre carrière ?
Une indépendance, c’est la liberté qu’on exprime. Celle de 2018, est la plus exceptionnelle pour moi. Pour moi, le Président Ouattara doit faire encore un effort pour la paix et la stabilité du pays.
Votre mère était opposée à votre carrière musicale mais vous ne lui avez pas obéi…
Ma mère n’a jamais aimé que j’embrasse une carrière musicale. Aujourd’hui, elle ne vit plus. Je lui ai tenue tête parce que c’était mon destin.
Vous êtes toujours entre deux avions. Pourquoi tant de mouvements ?
C’est le métier qui me fait beaucoup bouger. Je préfère voyager à bord des avions. C’est le métier qui demande cela.
Vous reconnaissez-vous dans l’image d’une dame tabassée lors de la crise postélectorale à Abobo et qui a fait le tour des réseaux sociaux ?
Je n’ai jamais été touchée. Il s’agissait d’une femme qui travaillait à la mairie d’Abobo. On me l’a présentée une fois à Williamsville. J’avoue que cette dame et moi, nous nous ressemblons. Dieu m’a couvert de sa grâce. Je n’ai jamais été violentée.
Lequel de vos tubes a laissé des traces indélébiles ?
J’aime bien tous mes albums. Ensuite, il y a le goût du public. Je sais que, j’ai dédié l’album « Djigui » à Félix Houphouët-Boigny. « Djigui » veut dire « espoir » en Malinké. Houphouët était l’espoir des artistes étrangers et nationaux. Quand le Président Houphouët vous invitait, c’était un grand honneur.
Un souvenir du Président Houphouët ?
C’est lorsque je fêtais mes 10 ans de carrière. Houphouët a fait remettre une rose à l’ambassadeur Georges Ouégnin. Ce geste m’a vraiment marqué et me marque toujours.
Comment expliquez-vous votre rapprochement avec les chefs d’Etat africains ?
Cela n’a rien d’extraordinaire. Mes chansons impactent souvent les personnalités. J’ai des chansons qui parlent du quotidien de la population. Nous avons des fans dans tous les milieux.
Bientôt la célébration de vos 40 bougies en musique. Comment évoluent les préparatifs ?
Je viens de boucler l’album. On va commencer la promotion. La célébration de mes 40 ans me permettra de dire merci à tout le monde. J’invite toute la Côte d’Ivoire.
On vous a connu avec Bocana Maïga à vos côtés en qualité d’arrangeur. Aujourd’hui, vous optez pour la jeunesse avec Patché. Pourquoi, ce changement de génération ?
Les jeunes ont du talent. J’ai découvert Patché par le contact de mon fils Tchaga. J’aime bien sa façon de travailler. Il est beaucoup à l’écoute. J’ai été l’élève de Bocana Maïga avec Manu Dibango. Ce sont des personnes très strictes. Ça me plaît de travailler avec la jeune génération. Je salue au passage Koudou Athanase.
Comment avez-vous apprécié le plateau des doyens invités lors de la grande soirée retro ?
C’était l’émotion. En chœur, nous avons repris des chansons de Bailly Spinto, Monique Séka, c’étaient les retrouvailles. Nous sommes éparpillés à cause de nos programmes. Des occasions de ce genre, nous permettent de nous retrouver. Nous y étions avec gaieté.
Pourquoi tant de similitude avec la chanteuse Miriam Makéba ?
C’est grâce à Miriam Makéba que j’ai aimé la chanson. Pendant mes vacances, j’étais à ses côtés en Guinée-Conakry. Sékou Touré, le Président guinéen m’a reçu avec Jimmy Hyacinthe, après la sortie de mon album « Djenikeleni ». Ce jour-là, le président Sekou Touré a appelé Miriam Makéba et a fait la présentation. Il a dit à Miriam que voici une petite qui peut faire une bonne carrière si elle est épaulée. Je la fréquentais souvent. Il faut dire que j’ai connu cette artiste par le biais de Ben Soumahoro. A l’époque, Ben était le directeur de la Rti (Ndlr : Radiodiffusion télévision ivoirienne). J’étais en pleine répétition quand j’ai reçu un appel téléphonique de la part de Ben.
Que vous a-t-il dit ?
Il disait qu’il avait un beau cadeau pour moi. Quand je suis arrivée à son niveau, il m’a donné le numéro de la chambre de Miriam qui logeait à l’hôtel Ivoire. Quand, elle m’a vue, elle a dit, c’est Aïcha. Et j’ai répondu par l’affirmatif. J’ai entretenu de très bonnes relations avec elle.
Avez-vécu des moments difficiles dans votre carrière ?
C’est temps-ci, il y a des problèmes que traversent l’Afrique et le monde. Nous faisons des chansons pour sensibiliser les mélomanes. J’ai eu mon premier prix sur la paix à l’époque de l’ex-Zaïre. On appelait le prix N’gomo Africa. Mon clip « Kanawa » qui parlait de la guerre, avait été beaucoup apprécié. Sans comprendre la langue, les images interpellaient tout le monde.
Vous prenez de l’âge malgré vos « yeux dormants », peut-on dire que vous avez encore des atouts pour bouger sur scène ?
Je n’ai jamais été une artiste qui bouge. J’aime être écoutée. J’ai un style diva. Mais la danse, ce n’est pas trop mon fort.
La rente viagère vous profite-t-elle ?
On m’a appelé à Conakry pour m’informer que je suis sur la liste des bénéficiaires. Et tout se passe bien.
Pensez-vous être une artiste accomplie ?
Je dis merci au Seigneur. J’ai une famille paisible. Je suis entourée de mes trois enfants dont deux garçons et une fille. Je suis grand-mère et je dis merci à Dieu parce que j’ai le charme de quelqu’un qui prend de l’âge. J’invite mes fans à venir fêter mes 40 ans de carrière. Nous allons célébrer cette fête en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et en Guinée.
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