Côte d’Ivoire / Forêt déclassée d’Abouabou : Les Ebrié pleurent leurs terres spoliées par le CNRA
Deux décisions de justice (n°1864 du é( juillet 2005 et n°2305 CIV 2C du 16 octobre 2006) repartissent la parcelle dite forêt déclassée d’Abouabou sise dans la commune de Port-Bouët, propriété des Ebrié (Atchans) de 4700ha aux villages d’Abouabou, d’Anan, d’Akouai-agban, de Bregbo et de Petit-Bassam. C’est ainsi que des lettres de mise à disposition ont été délivrées aux 5 villages, l’immatriculation faite à leur profit avec parution au journal officiel d’octobre 2008 sans opposition. En 2009, le ministère de la Construction délivre des arrêtés d’approbation de lotissement sur toute la zone au profit de chaque village et consolidés par plusieurs titres de propriété. Mais depuis cette date, les populations des 5 villages ne peuvent pas réaliser des travaux de mise en valeur du site, à cause de la présence d’un cinquième acteur sur 788ha du site, le Centre national de recherche agronomique (Cnra). « Non seulement le Cnra exploite les cocotiers sur une superficie plus grande dans la réalité mais également en coalition avec des squatteurs sans aucun titre de propriété ni droit, empêche les villages propriétaires, les opérateurs économiques et autres bénéficiaires des actes administratifs en droit de jouir de leurs biens, d’avoir accès au site par des actes de vandalisme », dénonce le chef d’Anan, Aboussou Djama Pascal, à la tête du collectif des 5 villages, au cours d’une conférence de presse, ce mercredi. Selon le chef le Cnra présente un plan de situation qui est loin d’être la réalité du site. En effet, l’Etat ivoirien a installé la société IRHO sur une partie du site puis le CNRA en 1998, en remplacement de IRHO, pour des recherches sur des hybrides en laboratoire tout en conservant quelques cocotiers pour la phase expérimentale. En 1982, par décret n°82-262 du 17 mars 1982, la zone tombe dans la Zone d’Aménagement Différée (ZAD) et passe sous la gestion du ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’urbanisme (MCLAU) mettant ainsi fin aux activités agricoles. En mars 2016, le décret n°2016-138 du 9 mars 2016 portant approbation du plan directeur du Grand Abidjan déclare la totalité du site en zone d’habitation. « La parcelle visée par l’ancien arrêté agricole de 1967, devenu caduc, se présente en un seul tenant où les blocs sont contigus et non en plusieurs zones éparpillées comme le CNRA le revendique, en procédant unilatéralement à une délimitation arbitraire en 2012 d’une parte de notre site déjà approuvée et immatriculée sans aucun fondement juridique ni administratif. Il utilise un arrêté agricole désuet de 1967 dont il ne connait pas les limites », accuse le chef Aboussou Djama Pascal. D’ailleurs, indique le porte parole du collectif, en 2011, le CNRA a été débouté par le tribunal d’Abidjan pour faute de preuves de titres de propriété. « A l’analyse des faits, une revendication d’un mètre carré de cette parcelle apparaît à nos yeux comme une volonté manifeste de spoliation de notre unique héritage. Cette zone n’a plus de vocation agricole au regard des décrets n°82-262 du 17 mars 1982 et n°2016 du 9 mars 2016 mettant fin aux activités agricoles et sa présence sur ce site, le CNRA aurait pu alors anticiper son départ, dès lors. Le nouveau plan directeur du Grand Abidjan de 2016 destine la zone en habitation, supprimant ainsi les activités agricoles, le CNRA doit être délocalisé », coupe le chef. Et de proposer que le CNRA soit délocalisé de la zone, l’arrêt de toute actions de sabotage ou d’empêche des opérateurs de travailler sur le site, la culture d’un climat de pax entre les parties, que les droits des collectivités villageoises ainsi que ceux de tous les bénéficiaires soient préservés. Par ailleurs, les populations dénoncent la présence de plusieurs bandes armées empêchant les propriétaires coutumiers et les opérateurs économiques de prendre possession de leur site et de réaliser les travaux. « Cette zone est devenue une zone criminogène et de non droit où se refugient plusieurs repris de justice et les déguerpis des quartiers précaires. De plus, nous constatons avec regret des sursis officiels ou non sur certains de nos lotissements et des obstacles dans la délivrance de nos actes administratifs. Face à ces tracasseries nous exprimons notre ras-le-bol et condamnons le mépris dont nous sommes objet sans que l’on nous explique le fondement et les motivations réelles », accuse Aboussou Pascal.
A.K.