Daoukro / Lutte contre l’orpaillage illégal : Le ministre Sangafowa mobilise les populations dans un partenariat inédit
L’orpaillage illégal a tissé une toile invisible mais destructrice sur l’ensemble du territoire ivoirien. Souillant les terres, pervertissant les économies locales, déstructurant le tissu social, cette exploitation anarchique des ressources aurifères menace aujourd’hui tous les maillons de la société, depuis les communautés villageoises jusqu’aux caisses de l’Etat. Face à l’ampleur de ce phénomène persistant, le gouvernement multiplie les initiatives, combinant répression, encadrement et dialogue communautaire.
C’est dans cette optique que s’inscrit la nouvelle campagne nationale de sensibilisation conduite les 10 et 11 juillet 2025 dans le district des Lacs, avec des étapes à Daoukro, Bongouanou, Dimbokro, Toumodi et Yamoussoukro. Une seconde étape, après une première mission en juillet 2024 dans le district des Savanes, qui avait conduit le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, Mamadou Sangafowa Coulibaly, dans les villes de Boundiali, Kong et Korhogo. « Je suis venu chercher un partenariat avec vous », a lancé le ministre à Daoukro, aux populations venus nombreuses, accompagnées des élus et cadres, à la salle des fêtes de la ville.
Derrière cette formule, une stratégie en trois axes : impliquer les communautés locales, structurer des alternatives légales et maintenir la pression sécuritaire en vue d’endiguer le phénomène de l’orpaillage illégal. Le gouvernement entend désormais faire des populations rurales les fers de lance d’une lutte longtemps portée par l’Etat seul. Le ministre n’a pas eu besoin de longs discours pour convaincre.
A Daoukro, les prises de parole se sont succédé pour dénoncer les conséquences directes de l’orpaillage clandestin. Le chapelet de récriminations était éloquent : sources d’eau souillées, désertion des écoles, violences sexuelles, criminalité galopante, forêts sacrées profanées et surtout, des villages encerclés de cratères mortels laissés à l’abandon.
« Il n’est plus possible de dormir à la belle étoile », résumait un chef coutumier. Des voix se sont élevées pour pointer du doigt la dégradation accélérée des conditions de vie, dans des zones jadis paisibles, désormais transformées en no man’s land par les orpailleurs. Le plus révoltant pour les populations reste sans doute l’asymétrie du “deal” imposé par les orpailleurs. Présentant des liasses de billets pour convaincre les détenteurs de terres villageoises, les trafiquants promettent une prospérité illusoire. La réalité est tout autre : selon les données du ministère, les villages ne perçoivent que 7% de la valeur de l’or extrait, contre 80% qui s’évaporent dans des circuits mafieux transfrontaliers. « Pour 100 000 FCFA d’or extrait, seulement 7 000 restent au village », a détaillé le directeur général des Mines et de la Géologie, Seydou Coulibaly.
A ce déséquilibre économique, s’ajoute une catastrophe écologique : sols stérilisés, mercure infiltré dans les nappes phréatiques, terres agricoles détruites.
A l’échelle nationale, les conséquences sont vertigineuses : 100 tonnes d’or sortiraient chaque année du pays via des circuits illégaux, pour une perte fiscale estimée à 700 milliards FCFA et une valeur globale évaporée de plus de 4 000 milliards FCFA. Face à cette saignée, le gouvernement ne reste pas inactif.
Depuis la création du Groupement spécial de lutte contre l’orpaillage illégal (GS-LOI) en 2021, plus de 1 760 sites illégaux ont été démantelés et 713 personnes traduites en justice en 2024. Une montée en puissance progressive, amorcée par la création de la Brigade de répression des infractions au code minier (Bricm) dès 2018, sous l’égide du Conseil national de sécurité (Cns).
Mais la seule répression ne suffit plus. D’où la volonté de mobiliser les communautés rurales dans un partenariat inédit, amorcé dès 2023 avec une rencontre officielle du ministre avec la Chambre des rois et chefs traditionnels. Pour Mamadou Sangafowa Coulibaly, l’orpaillage légal, encadré, formalisé, est une voie d’avenir. Le gouvernement propose aux populations de se constituer en coopératives, de recevoir des formations techniques, et d’accéder à des permis artisanaux ou semi-industriels, leur permettant d’exploiter leurs ressources dans un cadre réglementé, sécurisant et profitable.
En parallèle, l’Etat intensifie ses efforts pour attirer des investissements dans l’exploration minière industrielle, avec des mécanismes de partage direct des revenus entre compagnies minières, collectivités et populations.
A.K.