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« Les mentalités ont commencé à changer »

Jugées proches de l’ancien président Laurent Gbagbo pour l’avoir voté à près de 90% à la présidentielle de 2010, les populations Attié d’Alépé se sont prononcées cette année en faveur du président Alassane Ouattara avec 52,53% des suffrage de la dernière présidentielle. Martial Angou Abbé, cadre de Montezo et conseiller de la chefferie explique dans cet entretien, les vraies causes de ce changement des mentalités.

 

 

Comment la présidentielle a été vécue ici?


La présidentielle a été vécue dans l\'apaisement comme nous l\'avons constaté au plan national. Avant même les élections, il y a eu une sensibilisation des populations. Sensibilisation faite d’abord par Madame le Préfet du département pour que tout le monde s’accepte. Il s’agit de maintenir la cohésion sociale au niveau du département pour qu’il n’y ait pas de débordement. Les chefs ont été mis à contribution pour pouvoir parler à leurs populations, surtout qu’ils sont déjà constitués en association, pour que tout se déroule dans le calme et la sérénité. Que ce soit au niveau des ressortissants du département qui est composé de plusieurs nationalités puisque le département d’Alépé est très composite. Nous avons les Attié du sud, du nord, les Agni, les Gwa et les allogènes baoulé et malinké et autres.

 

Comment avez-vous vécu les appels au boycott, à l’incivisme puisque nous sommes dans un ancien fief de Laurent Gbagbo ?


Le président de la République a fait beaucoup de réalisations au plan national. Le peuple Attié, Agni ou Gwa se déplace beaucoup vers Abidjan et voit les réalités du président Ouattara. Cela a permis déjà d’apporter un petit déclic au niveau des mentalités. A ce niveau, il fallait que les autorités administratives, les chefs apportent un peu d’explication. C’est ce qui a été fait et les mentalités ont commencé par évoluer. C’est vrai, nous avons été combattus sur le terrain par les gens qui ne voulaient pas qu’il y ait des élections et les militants des autres partis politiques, ce qui est normal. Mais la population ayant vu les réalisations du chef de l’Etat, a préféré porter sa voix au candidat du RHDP.

 

Le score de 53,52 % que vous avez réalisé ici reflète-t-il le poids sociologique et politique du président Ouattara ?


Je peux le dire et ce score aurait pu être mieux vu ce que la population a senti. Lorsque le président de la République est passé ici pour expliquer à la population ce qu’il compte faire dans le département, cela a donné un tonus à l’engagement que la population voulait apporter. Des promesses ont été faites. Et la population se dit, celui-là lorsqu’il promet, il le réalise, alors le peuple Attié, Gwa, Agni a décidé de mettre de côté la politique pour voir ce que le développement peut apporter au département d’Alépé.

 

Est-ce que le regard sur la personne d’Alassane Ouattara a changé ?


Ici le peuple ne regarde pas la personne mais les actes posés. Et je peux dire que ce sont les actes posés qui ont fait que la population a amélioré ce score en faveur du président Ouattara.

 

Donc les mentalités ont changé dans cette zone réputée proche du FPI…


Les mentalités ont commencé à changer. Dans un village, les gens du FPI sont allés demander aux populations de ne pas sortir pour aller voter. Ils ont été chassés. Alors que dans ce village, les gens avaient fait presque 100% pour le président Gbagbo en 2010. Lorsqu’on leur a promis que leur route sera faite, alors ils ont décidé de suivre celui qui la route. Puis que les engins aussi sont là.

 

Comment la chefferie s’est organisée pour jouer sa partition dans cette élection ?


Chez nous, la plupart de nos chefs sont des intellectuels. Et les villages suivent généralement leurs enfants qu’ils ont envoyés à l’école pour avoir leur éclairage. Les chefs ont apporté le message de développement aux populations. Elles se sont dit, si les chefs qui ne font pas la politique ont pu dire cela, c’est qu’ils les envoient sur la bonne route. C’est pourquoi l’apport des chefs avec l’appui de Madame le Préfet qui a su les mettre en association pour leur montrer les idées de développement au plan national. Et ces idées de développement relayées sur le terrain, cela a permis aux populations de comprendre le président de la République fait de bonnes choses. Ce qui a permis à la population d’épouser ces actions de développement.

 

Qu’est-ce qui a été concrètement réalisé dans votre département ?


Chaque gros village a reçu la construction de salles de classes, des tables-bancs et le reprofilage de route puisque nous sommes aussi dans une zone agricole. Ce reprofilage continue aujourd’hui. Il faudrait qu’on mette un peu de côté tout ce qui est politique pour voir le développement d’Alépé. Tous les cadres doivent se mettre à l’unisson. Nous avons eu aussi la promesse de réalisation de grands ouvrages notamment l’étude d’un barrage qui pourrait être fait sur la Comoé. Avec la dernière augmentation du prix du cacao, cela a contribué à augmenter le score.

 

Donc les réalisations du président de la République ont fait oublier Laurent Gbagbo ?


Nous sommes en politique, on ne peut pas dire qu’on oublie un parti politique. Mais si cela continue, le peuple Attié ne sera pas ce qu’on a toujours vu en les indexant comme Gbagboïstes. Par le passé (ndlr : 2010) c’était 9% pour le président Alassane Ouattara et 90% pour le président Gbagbo. Si aujourd’hui, nous sommes à plus de 52% pour le président Ouattara, c’est sûrement parce que le peuple Attié veut voir autrement les choses. Il ne veut rester dans le système de contestation mais plutôt un système où on peut apporter le développement.

 

Pour le second du président Ouattara, quels sont les besoins du département d’Alépé ?


Notre priorité aujourd’hui, c’est la route. Comme le président Houphouët le disait « la route précède le développement ». Le pays Attié n’a pas de route à part le goudron qui traverse le département. Nos villages ont grandi si bien la demande en électricité est forte. Il y a également le problème sanitaire. Certains villages n’ont pas de centres de santé. Il faut pourvoir à cela mais aussi en maternité et en équipement. Ici la scolarité est presqu’à 100% mais nous voulons voir l’école autrement. Il faut qu’il y ait des collèges de proximité dans les gros villages pour que les enfants puissent rester auprès de leurs parents. Alépé bénéficie d’une forêt déclassée mais il faudrait qu’on ait de l’agro-industrie pour que nos enfants puissent avoir du travail. Notre département n’a pas de lycée ou de collège technique ou agricole.

 

Interview réalisée à Montezo (Alépé) par T.A.