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La réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, à la demande de la République démocratique du Congo (RDC), a été un feu de paille.

Ni le jour choisi en catastrophe (dimanche 26 janvier 2025) ni la demande de la France au "Rwanda de quitter le territoire de la RDC" n'aura eu aucun écho favorable. Le lundi 27 janvier, Goma, la plus grande ville à l'est du Congo et capitale provinciale du nord-Kivu, est tombée aux mains du M23, mouvement rebelle appuyé, selon l'ONU, par 3.000 à 4.000 soldats rwandais.

C'est le point de non-retour dans les relations en montagnes russes entre Paul Kagame (président du Rwanda depuis le 24 mars 2000) et Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo (au pouvoir depuis le 27 janvier 2019).

En effet, le président congolais a hérité des guerres de harcèlement et d'occupation que, sous prétexte de la chasse aux miliciens Interahamwe, le Rwanda mène en RDC.

Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga (au pouvoir du 24 novembre 1965 au 16 mai 1997) a fini par être renversé par la rébellion de l'AFDL de Laurent-Désiré Kabala (17 mai 1997-16 janvier 2001). Celui-ci sera tué pour avoir voulu couper le cordon ombilical avec ses alliés ougandais et rwandais.

Son fils, Joseph Kabila qui l'a remplacé (17 janvier 2001-27 janvier 2019), a ménagé la chèvre et le chou, sans faire beaucoup de vague, pour protéger son pouvoir. Ce n'est pas le cas de Tshisekedi, qui s'est engagé à prendre le taureau par les cornes. Mais dans le bras de fer, il se retrouve au pied du mur.

Pourtant, le 19 décembre 2023, il était tout furieux face aux assauts des groupes armés dans le nord-Kivu. "Je le dis, à la moindre escarmouche, je vais réunir les deux Chambres en congrès, comme le recommande la Constitution, et je vais leur demander l'autorisation de déclarer la guerre au Rwanda," a-t-il tapé du poing sur la table, avant de menacer sur une chaîne congolaise: "Et je pèse mes mots; aujourd'hui, on n'a pas besoin d'envoyer des troupes au sol au Rwanda. De chez nous, nous pouvons atteindre Kigali."

"Tshisekedi est capable de tout, sauf de mesurer les conséquences de ce qu'il dit," a répondu, le 25 mars 2024, Kagame dans les colonnes de Jeune Afrique pour moquer la fanfaronnade de son homologue congolais.

Et alors qu'effectivement, Tshisekedi ne sait plus à quel saint se vouer, Kagame poursuit impunément son opération de serial prédateur en RDC. En se servant des groupes armés, qui pullulent dans cette région hors de contrôle des autorités congolaises, il a pris ses marques.

En avril 2024, le M23 a pris le contrôle de Rubaya, l'un des plus riches gisements de coltan au monde. Selon l'ONU, ce sont 120 tonnes qui y sont exploitées par mois avant d'être exportées vers le Rwanda.

De ce fait, ce territoire, qui ne dispose d'aucune mine de coltan ou tantale sur son sol, est devenu, par la force des armes, le premier pays exportateur mondial de coltan, en 2023, avec 2.070 tonnes devant la RDC, 1.918 tonnes.

Avec la chute de Goma et la future annexion de l'espace vital du nord-Kivu, c'est le dépeçage de la RDC, qui a commencé, selon le plan commun de Nicolas Sarkozy. L’ex président français envisageait déjà une restructuration de la région des Grands Lacs en faveur du Rwanda.

En fait, Sarkozy proposait, le 16 janvier 2009, "l'exploitation en commun, par la RDC et le Rwanda, des richesses du nord-Kivu." "Dans la région des Grands Lacs, la violence s'est, une nouvelle fois, déchaînée. L'option militaire n'apportera aucune solution aux problèmes de fond qui se posent, de façon récurrente," entamait-il son développement.

Et il poursuivait: "Cela met en cause la place, la question de l'avenir du Rwanda avec lequel la France a repris le dialogue, pays à la démographie dynamique (12.712.431 hts) et à la superficie petite (26.338 km²)."

"Cela pose la question de la RDC, pays à la superficie immense (2.345.410 km² pour 105.061.468 hts) et à l'organisation étrange des richesses frontalières," objectait-il avant de dévoiler sa pensée du partage du gâteau congolais: "Comment dans cette région du monde, on partage l'espace, les richesses et on accepte de comprendre que la géographie a ses lois, que les pays changent rarement d'adresse et qu'il faut apprendre à vivre les uns à côté des autres!?"

Nicolas Sarkozy a ainsi donné le feu vert à Paul Kagame pour le pillage à grande échelle et la colonisation du nord-Kivu, riche région où, à côté des bois tropicaux, du thé, etc. se trouvent les rares minerais de la convoitise (or, cassitérite, coltan, diamant, pyrochlore, wolframite, tourmaline, etc.).

Paul Kagame a les mains libres et la communauté occidentale l'adoube. Le 19 février 2024 à Kigali, le Rwanda et l'Union européenne ont signé un protocole d'accord, notamment "dans le domaine de la coopération en vue de parvenir à une production et une valorisation durables et responsables des matières premières critiques et stratégiques." En un mot, l'approvisionnement de l'Europe par ce canal ne doit pas tarir. Au grand dam de Tshisekedi, qui a tempêté: "Quand vous achetez le produit d'un receleur, vous êtes vous-même coupable de vol."

Il a prêché dans le désert. Dans le rapport des forces, le président congolais se retrouve ainsi seul contre tous. Et son pouvoir risque de se retrouver rapidement menacé par des velléités subversives.

Son armée a été mise en déroute et face aux appétits des grandes puissances occidentales, qui ont choisi leur camp dans la crise politico-militaire en RDC, l'Union africaine ne vole pas résolument au secours du "régime démocratiquement élu".

En sacrifiant aux antiennes, elle va se condamner à observer presque l'image du singe de la gravure: elle voit flou. Elle est malentendante. Elle ne dit rien ou très peu pour ne rien dire alors que le sacro-saint principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation est remis en cause. Au vu et au su de tous. Pauvre Afrique.

Une contribution de F. M. Bally