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En prélude à la tenue du Masa 2021, les hommes et femmes de la culture affûtent leurs armes pour son succès. Dans cet entretien, Dr Zié Coulibaly, ex-directeur général par intérim de cette institution, revient sur les engrenages de ce marché de portée économique et sociale.

   

Vous êtes le directeur délégué de l’Institut français (If) et vous étiez annoncé pour le Marché des arts et spectacles d’Abidjan (Masa) en tant que directeur général de cette structure, et on se rend compte qu’il y’a un nouveau directeur général qui a été nommé. Qu’est-ce qui s’est passé ?

C’est vrai, j’avais été approché par le cabinet de la ministre Raymonde Goudou, pour remplacer le directeur général actuel qui était en fin de contrat. On cherchait quelqu’un de capable pour continuer le travail. Et en ma qualité de plus ancien collaborateur du Masa car j’ai commencé depuis 1993, la première édition, on avait trouvé en moi, le profil qui pouvait faire la conciliation. Toutes les éditions que le professeur Yacouba Konaté a faites, j’étais son conseiller. En son temps donc, la ministre Goudou avait signé un arrêté qu’on a appelé une ‘’décision d’attente’’, c’est-à-dire en attendant que le conseil d’administration du Masa se réunisse et choisisse le directeur. Mais on s’était dit que, compte tenu de mon profil, mon expérience, cela pourrait être moi. Et quand le conseil a siégé, il a choisi une autre personne et il est souverain. Cela sous-entend qu’en plus de moi-même, on a dû lui présenter un autre profil plus intéressant que le mien. Il doit certainement en exister. En ce qui me concerne, je n’ai pas été retenu par le conseil d’administration qui est composé de la Côte d’Ivoire qui occupe le poste de la présidence, représentée par le ministère de la Culture et des industries des arts et du spectacle, l’Organisation internationale de la francophonie (Oif), qui occupe la Vice-présidence et le district d’Abidjan. Quand le conseil a eu lieu, le jeudi, le lundi qui a suivi, j’ai appris qu’il y a un nouveau directeur. J’ai aussitôt remonté l’information à ma hiérarchie au niveau de l’If qui m’a demandé si je voulais revienir parce qu’elle a encore besoin de moi.

 

Vous étiez le profil idéal de par votre expérience, vous étiez la personne ressource à même de conduire le prochain Masa. Qu’est-ce qui explique ce changement ?

Je ne peux pas vous donner les raisons car je n’en ai pas. Je n’ai été associé ni à la préparation du conseil d’administration, ni à la suite, ni au procès verbal (Pv) du conseil. Quelqu’un d’autre qui le méritait certainement mieux que moi, a été nommé. Je dis certainement mieux parce que, si vous présentez votre profil et que quelqu’un d’autre est nommé, c’est que c’est lui qui présente de meilleures garanties que vous. Pour moi, je suis compétiteur. A partir du moment où quelqu’un d’autre est arrivé en fin de course, c’est qu’il a mieux couru que moi. Je n’ai aucun souci, je ne peux pas vous dire ce qui explique cela. Vous pourriez poser la question à ceux qui ont participé au conseil, c’est-à-dire aux membres du conseil d’administration. J’ai les résultats que vous connaissiez.

 

Est-ce que vous avez eu des échanges avec la ministre et le district d’Abidjan ?

Je n’ai eu aucun contact avec aucune personnalité, ni du district, ni du ministère de la Culture, ni de l’Oif. Je suis dans mon coin et 2 ou 3 semaines après le procès, je n’ai aucune nouvelle de quoi que ce soit. C’est comme si ma participation au Masa n’avait pas existé.

 

Vous qui êtes un professionnel de la Culture, vous connaissez le Masa, comment vous entrevoyez les choses avec cette nouvelle organisation ?

Je leur souhaite une bonne chance, beaucoup de succès, la tâche sera difficile parce qu’il faut recomposer tous les organes du Masa. Or, il y a très peu de temps. Quand le professeur Yacouba est venu, il a pris du temps pour recomposer toute l’équipe que ‘’Manou’’ avait mise en place et qui est partie. Le Conseil artistique international (Cai) doit être recomposé, la direction elle-même également. Ce qu’on ne peut pas recomposer, c’est le format du Masa. C’est-à-dire le théâtre, la musique, la danse, le conte, l’humour, le slam, etc. Tous ces éléments qui avaient déjà été programmés au Masa, doivent être programmés. Je constate que le temps commence de plus en plus à être court, un nouveau directeur est nommé, faisons lui confiance.

 

Quel conseil donnerez-vous si on vous appelle ?

Si on m’appelle, en ce moment-là, je donnerai la réponse. Pour le moment, on ne m’a pas encore appelé...

 

L’If vous rappelle, est-ce pour vos compétences vu que l’Etat de Côte d’Ivoire vous a mis sur le carreau.

C’est une compétence qu’on rappelle pour la continuité. L’Institut français de Côte d’Ivoire ne peut pas se mettre au travers d’une décision de l’Etat de Côte d’Ivoire. Le directeur n’est pas revenu parce qu’on l’a refusé ailleurs. Il est reconnu comme une compétence sur la place. S’il s’agissait d’aller chercher une autre compétence, ils ont estimé qu’en l’état actuel des choses, je suis le meilleur pour l’atteinte de leur objectif, leur vision. C’est pour cela que, quoi que j’aie demandé à partir au Masa, ça n’a pas marché, on m’a rappelé pour continuer l’œuvre que j’ai entreprise ici, depuis 2005.

 

Quelle mission vous a été assignée à votre retour ?

Il faut savoir que dans notre fonctionnement, il y a un renouvellement du personnel diplomatique et que dans cet élan, celui qui est le directeur de l’Institut français, c’est le conseiller de Coopération culturelle de l’ambassade de France (Cocaf). Un nouveau Cocaf est arrivé, ensemble nous allons proposer une nouvelle vision. La première vision qu’on avait, on l’a amenée à terme et ce qui est important avec nous, c’est que l’institut est arrivé à un certain niveau. Quand nous sommes venus, il fallait remettre l’institut dans le tissu des lieux de diffusion de la culture. Les lieux prisés. Aujourd’hui, sans mentir, à Abidjan, nous sommes le lieu où il faut passer. Certes, il y a des plus grands que nous, et les moins grands que nous. Mais cependant, tout le monde reconnait notre professionnalisme et ceux qui passent dans notre institut, ne sont pas déçus de nos prestations, parce que nous mettons tous les moyens à leur disposition. Donc la nouvelle vision va consister à aller un peu plus loin et d’être d’avantage au quotidien, près des artistes. Surtout pour la saison qui arrive, si cela est validé par la nouvelle direction, ce qui est d’ailleurs ce que je vais lui proposer, c’est de privilégier dans tous les domaines, au niveau de la Culture, ce que j’appelle la transmission. Quel que soit le lieu où on est, nous devons parler Culture et non politique. En matière d’art, beaucoup de grands comme les Bitimogo, les Nébadiégou et autres, doivent tendre la main aux jeunes.

 

Cela veut-t-il dire qu’au sein de l’institut, il n’y aura pas de séances de formation, des colloques ?

En attendant de savoir quelles sont les stratégies à mettre en œuvre pour atteindre ce résultat, ce sont d’abord les idées que j’énonce. En effet, il y aura la formation technique parce que pour qu’un spectacle soit bon, il ne suffit pas seulement que les artistes soient bons. Il faut également que ceux qui les accompagnent soient efficaces. Il faut qu’il y ait un bon staff managérial, surtout une bonne équipe administrative censée travailler avec eux. Nous allons essayer de former dans ces différents domaines et prendre une part active plus importante dans la création. Je me contentais jusqu’ici dans le passé, de recevoir des spectacles créés. Mais à présent, je rentre dans la création d’idées. Si par exemple, l’on a envie de monter un spectacle, je peux lui demander de venir pendant un mois se préparer ici, jusqu’à la fin du produit pour lequel nous nous retrouverons tous les deux.

 

A l’Institut français, les choses sont en train d’être renouvelées avec de nouveaux départs. C’est pour quand le nouveau démarrage ?

En septembre, les 21 et 22, c’est la nouvelle saison…

 

Le directeur de l’Institut français reprend du service, cela ne veut pas dire que vous n’êtes pas au service de votre pays ?

Je le peux si ma hiérarchie me le permet, je veux dire que, je crois pouvoir faire  beaucoup pour la culture locale. Nous avons permis à plusieurs jeunes de l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (Insaac) de faire leurs premières œuvres, leurs premières expositions et leurs premiers spectacles chez  nous. Ce qui, dans d’autres lieux, ne peut pas se faire parce qu’il faut payer. Mais nous avons donné les salles à des artistes de théâtre et de la danse. L’année dernière, nous avons accompagné la danse dans tous les quartiers d’Abidjan avec près de 9 compagnies pour effectuer la tournée. Ce que nous avons entièrement financé aussi bien au niveau des quartiers qu’au sein de l’Institut français. Nous ne savons pas exactement si nous allons faire le théâtre l’année prochaine qui pour nous, est une période que nous allons placer sous le sceaux du livre. Nous allons accompagner le gouvernement de Côte d’Ivoire sur les états généraux du livre, un programme international. Durant cette prochaine année, nous parlerons beaucoup des livres, de leurs auteurs, qu’ils soient hommes ou femmes. Il s’agira de mettre l’accent sur la lecture, en établissant le lien entre le livre et la scène.

 

La coopération culturelle avec le ministère de la Culture se fera-t-elle effective ?

Il n’y a pas de souci à cela. Nous avons toujours coopérer et nous continuerons dans ce sens avec les autorités culturelles de notre pays.

 

L’Institut français aura quand même un clin d’œil pour le Masa, n’est-ce pas ?

Le Masa a toujours eu lieu à l’Institut français qui continue de lui garder ses portes ouvertes pour une organisation très professionnelle.

Interview réalisée par A. Coulibaly