531_motovol.jpg

 Février 2016. Vridi, zone portuaire, précisément en face de la SOCIMAT, deux hommes à moto armés de Kalachnikov parviennent à faire immobiliser un véhicule duquel ils arrachent à leurs victimes la somme de 13 millions F Cfa. L’attaque à moto, est un phénomène qui vient accentuer le sentiment d’insécurité que font planer les agressions des « microbes ».

 

Cette nouvelle forme d’agression est au centre des conversations à Abidjan. Les victimes se comptent à la pelle et elles ont vécu des fortunes diverses. Devant le magasin SOCOCE des deux Plateaux, il est 21h à peu près. Une dame tenant un sac à main marche sur le trottoir, dans le sens Angré-Cocody. Une moto avec deux occupants la dépasse et marque un arrêt environ 20 à 30 mètres plus loin. L’engin à deux roues fait demi tour et roule lentement jusqu’au niveau de la femme à qui les bandits arrachent le sac avant de partir en toute vitesse.

 

« Affolée », la victime court dans tous les sens puis se ravisent. Les malfrats sont partis, elle n’a aucun recours que celui de regagner son domicile qui n’est pas loin du lieu du braquage dont elle vient d’être victime. A Yopougon, devant le collège Saint François, des couples ainsi que des groupes de jeunes devisent, assis sur les tables qui servent la journée à la vente d’aliments et autres marchandises aux élèves. Il est plus de 20 heures. La moto transportant également deux personnes marque un arrêt, le moteur toujours en marche.

 

Le second occupant descend, se dirige vers les différentes personnes en train de causer et sort un pistolet. Il les dépouille de leurs appareils portables, de leur argent, il rejoint son complice et la moto quitte les lieux. L’alerte donnée par les victimes permet juste d’informer les riverains sur le sort qu’elles viennent de connaître. Plateau. Il est 10 heures. Un taxi compteur avec à son bord quatre passagers aborde le virage de l’échangeur de la CARENA en direction du cercle du rail. Pendant ce temps, une moto avec toujours deux occupants roule dans le sens interdit.

 

Parvenu à la hauteur du taxi, le deuxième individu sur la moto se saisit du téléphone portable du passager assis devant et tente de le lui arracher. Vigilant, celui-ci tient fort l’appareil entre les mains, mettant ainsi en déroute ces bandits. Ce sont les différents modes opératoires des bandits à moto. Soit, ils vous arrachent, depuis leur moto, votre bien et ils partent soit, l’un d’eux, armé, descend et à l’aide de son arme vous prend ce dont vous disposez et ils quittent les lieux.

 

Disposition pour échapper aux agresseurs circulant à moto

Ils n’ont pas de moment précis pour exécuter leur basse besogne. Ils frappent à toute heure et en tout lieu après qu’ils se soient entourés de toutes les garanties de la réussite de leur opération. Des policiers rencontrés n’ont pas pu nous communiquer des statistiques précises cependant, ils nous ont indiqué que cette forme de vol est la plus fréquente au regard des plaintes enregistrées depuis un certain temps. Selon ces policiers, on entendra parler de moins en moins de ce phénomène parce que les auteurs sont traqués.

 

C’est ce qui justifie d’ailleurs le contrôle rigoureux des pièces des nombreuses motos qui ont envahi la capitale politique. Pour l’heure, il est question de faire attention à toutes les motos circulant avec deux occupants et qui roulent dans le sens opposé à la direction normale des véhicules ou qui lorsqu’elles vous dépassent font demi tour et reviennent vers vous à une allure lente.

 

Avec un des occupants prêt à bondir pour vous voler ce que vous tenez en mains. Il faut noter que ces malfrats choisissent de rouler dans le sens inverse parce qu’il est ainsi facile de surprendre les personnes à bord du véhicule et commettre le délit mais surtout parce que le véhicule n’aura pas le temps de les prendre en chasse. Ce phénomène qui crée ainsi un traumatisme au sein des populations vient malheureusement s’ajouter à cet autre phénomène né des nombreuses agressions perpétrées par les microbes. 

 

Si leur mode opératoire est différent, de même que les motivations ne sont pas les mêmes, ces faits constituent cependant une véritable préoccupation de sécurité. Ce sont des phénomènes nouveaux qui semblent avoir atteint une certaine vitesse de croisière à la grande inquiétude des populations abidjanaises. A Abidjan, il ne se passe de jour où les commissariats de police ne reçoivent des plaintes de l’un ou l’autre de ces cas d’insécurité. Ils sont légion et les témoignages affluent de toutes les communes d’Abidjan.

 

Qui sont les auteurs, comment procèdent-ils et comment  lutter contre ces phénomènes qui se présentent comme un véritable défi lancé à nos forces de l’ordre ainsi qu’à la société ivoirienne. Le phénomène des « microbes » composés en majorité de mineurs. Ce sont de jeunes drogués pour la plupart, Ils sont très violents et ne connaissent ou ne s’expriment mieux qu’à travers le langage des armes blanches à savoir, les machettes, les couteaux et des objets contondants.

 

Populations, policiers, gendarmes et militaires, tous impuissants face aux « microbes »

 

Ce qui paraît curieux chez ces délinquants, c’est leur tendance à découper à la marchette, à poignarder ou à tuer leurs victimes pour le plaisir de le faire. Car dans nombre de cas, il a été constaté que les victimes n’ont pas été dépouillées de leurs biens. Cette grave dérive  partie de la commune d’Abobo s’est étendue à presque toutes les communes d’Abidjan. Le Plateau, cité administrative par excellence, a son histoire portant sur ces « microbes ».

 

En effet, le 7 août 2015, après les festivités marquant la célébration du 55ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, un des invités du comité d’organisation a échappé de justesse à une agression de ces délinquants suite à la prompte intervention de certains éléments de la garde républicaine qui ont suivi la scène.

 

La victime qui quittait les lieux a été envahie par une meute de « microbes » à la hauteur de l’arrêt de bus entre le parking attenant au palais présidentiel et le super marché. Les motivations de ce phénomène restent encore inconnues. A Abobo où il a pris corps, ces jeunes-là simulaient une bagarre entre les membres de différents groupes et toutes les personnes qui se retrouvaient dans le périmètre, assistant à la bagarre imaginaire, étaient agressées.

 

Ou encore, les « microbes » se mettaient à courir dans les ruelles et assenaient des coups de machettes et de couteaux aux personnes rencontrées sur leur chemin. Le phénomène a pris de l’ampleur, il a gagné bien de communes de la ville d’Abidjan, troublant le sommeil des populations mais également des forces de l’ordre.

« Nous sommes impuissants », a avoué un commissaire de police avec lequel nous avions échangé sur ce sujet. Une impuissance qui se dégage de cette réaction d’un agent de police. Parti rencontrer un commissaire de police, dans la commune d’Abobo, qui s’était momentanément déplacé, l’agent qui nous accueille au poste de police nous indique un banc sur lequel nous pouvons attendre le chef de service.

 

Ce temps d’attente, nous cherchons à le mettre à profit en décidant d’aller faire un dépôt dans une agence de transfert d’agence. Le policier à qui nous demandons de nous indiquer où se situe l’agence la plus proche, nous conseille de ne pas aller dans tel sens parce qu’il y a de fortes chances de tomber sur ces « microbes ». Il était 11 heures environ. Ainsi, toutes les populations sont sous la menace de l’agression de ces enfants qui prennent plaisir à tuer.

 

A ce jour, l’inquiétude réside au niveau de l’apparente impossibilité de pouvoir lutter contre ce phénomène. La solution pour les populations, c’est de se barricader quand ces enfants, comme une meute d’abeilles, font irruption dans un quartier donné.

 A Yopougon Maroc, une stratégie relative à une autodéfense a été mise en place. « Ces jeunes sont passés une nuit ici et ils se sont attaqués à tout sur leur chemin. Informés qu’ils reviendraient, nous nous sommes préparés en achetant également des machettes. Effectivement, ils sont revenus ce soir-là et surpris par notre plan de riposte, ils ont tenté de battre en retraite. Ils ont été pris en chasse et deux parmi eux ont été tués. Depuis, ils n’ont pas encore remis les pieds ici », a confié un jeune homme au quartier Maroc non loin de la pharmacie Maty. D’autres quartiers ont aussi choisi cette option pour leur défense.

Ce qui abouti à de violents affrontements conduisant à des morts dans chacun des camps.

 

Pourquoi les forces de l’ordre qui ont vu leur capacité opérationnelle renforcée avec l’accession du docteur Alassane Ouattara à la Présidence de la République continuent de demeurer impuissantes face à ce phénomène ? Doit-on laisser prospérer aussi longtemps cette thèse qui laisse croire que tout serait mis en œuvre pour ne pas que ces enfants assassins soient définitivement mis hors d’état de nuire ?

 

En même temps que policiers, gendarmes et militaires ne cachent pas leur exaspération devant ce phénomène, ils ne font rien pour freiner sa propension. Comment expliquer ce paradoxe alors que la liste des victimes des « microbes » enregistre chaque jour des noms d’innocentes personnes tuées pour s’être retrouvées sur leur chemin.   

 

S.B.